LE SECRET D’EMMAUS : Pourquoi Cléophas (Lc 24,18) ?
Published Date:13 mars 2025

L’évangile de Luc s’achève par un chef d’œuvre, un feu d’artifice littéraire et théologique, le récit des pèlerins d’Emmaüs. Jésus ressuscité apparaît à deux disciples et leur raconte en détail tout ce qui le concernait : il les aide à surmonter la tristesse de la croix et les ouvre à la joie de la résurrection. Mais un élément étonne le lecteur : le nom des disciples. Alors qu’on s’attendrait naturellement à découvrir l’un des Douze connus depuis le début de l’évangile, nous apprenons que l’un est anonyme et que l’autre s’appelle Cléophas, un nom que nous n’avons jamais entendu auparavant. Le lecteur chrétien plus tardif pourrait s’attendre à ce que ces hommes, constitués apôtres par leur rencontre avec le Ressuscité, deviennent des acteurs importants dans le livre des Actes. Or il n’en est rien. En outre, comme ils regagnent visiblement leur village en Judée, ils ne sont clairement pas galiléens. Ils n’appartiennent pas au noyau initial des disciples qui suivent Jésus depuis la Galilée. Luc a donc fait un choix très fort : ne pas raconter l’apparition à Simon-Pierre, pourtant évoquée d’une phrase lorsque ces deux disciples reviennent à Jérusalem, mais bien une apparition à deux disciples qui semblent être inconnus. Ce Cléophas pourrait-il être la même personne que l’époux de Marie mentionné en Jn 19,25 ? La question n’est pas qu’anecdotique ou historique.

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© Editions Parole et Silence | LA CIVILTA CATTOLICA, 2025, LCCfr 0125

 

 

[1] Cf. J. P. Meier, A Marginal Jew: Rethinking the Historical Jesus, Volume V: Probing the Authenticity of the Parables (New Haven/London : Yale UP, 2016) 226.

[2] Cf. M. Rastoin, “Le génie littéraire et théologique de Luc en Lc 15,11-32 éclairé par le parallèle avec Mt 21,28-32”, NTS 60 (2014) 1-19.

[3] Cf. C. K. Rothschild, “ἐτυµολογία, Dramatis Personae and the Lukan invention of an early Christian Prosopography”, The Rise and Expansion of Christianity in the First Three Centuries of the Common Era (éds C. K. Rothschild et J. Schröter; WUNT 310; Tübingen°: Mohr Siebeck, 2013) 279-298.

[4] Cf. D. R. MacDonald, “The Ending of Luke and the Ending of the Odyssey”, in For a Later Generation: The Transformation of Tradition in Israel, Early Judaism and Early Christianity (éds Randal A. Argall et alii; Harrisburg°: Trinity Press International, 2000), 161–168.

[5] Cf. R. Bauckham, Jesus and the Eyewitnesses: The Gospels as Eyewitness Testimony, Grand Rapids°: Eerdmans, 2006, 87.

[6] Cf. R. Bauckham, Jesus and the Eyewitnesses, 47.

[7] Cf. Tal Ilan, Lexicon of Jewish names in late antiquity, vol. 1: Palestine 330 BCE-200 CE. 200 (TSAJ 91°; Tübingen°: Mohr Siebeck, 2002), 22.

[8] Cf. Eusèbe de Césarée, Hist. Ecc., Livres I-IV (SC 31 ; Paris : Cerf, 1952), IV.22.4, 200.

[9] Cf. M. Theobald, Studien zum Corpus Iohanneum (WUNT 267; Tübingen°: Mohr Siebeck, 2010) 240.

[10] W. Grundmann, Das Evangelium nach Lukas (THNT 3; Berlin°: Evangelische Verlagsanstalt, 1971, [1961]), 443.

[11] R. Bauckham, Jude and the Relatives of Jesus in the Early Church, Edinburgh°: T&T Clark, 1990, 93.