« “Le soir est venu” (Mc 4,35). Depuis des semaines, la nuit semble tomber. D’épaisses ténèbres couvrent nos places, nos routes et nos villes ; elles se sont emparées de nos vies en remplissant tout d’un silence assourdissant et d’un vide désolant, qui paralyse tout sur son passage : cela se sent dans l’air, cela se ressent dans les gestes, les regards le disent. Nous nous retrouvons apeurés et perdus. Comme les disciples de l’Évangile, nous avons été pris au dépourvu par une tempête inattendue et furieuse[1] ». Les paroles de la touchante homélie du pape François résonnaient sur le fond d’une Place Saint-Pierre déserte et de la basilique vide derrière. Ce fut un geste prophétique pour édifier, exhorter et réconforter un monde bouleversé par la propagation du Covid-19 qui est en train de détruire tant de vies humaines.

 

Les prophètes de malheur qui manipulent la Bible

Pour ceux qui aiment vraiment la Bible, il peut être déconcertant que quelqu’un déforme pour son propre usage et sa propre consommation certains passages bibliques qui pourraient faire allusion à une crise comme celle du coronavirus. Ce sont des versets systématiquement extraits du contexte et appliqués avec force à la réalité actuelle. Les prophètes de malheur s’en servent pour proclamer que la pandémie que nous vivons est une punition de la colère de Dieu contre un monde pécheur. Ils citent des versets contre tout ce qui heurte leur sensibilité et se déchaînent à coups d’Écritures contre une humanité déjà blessée et saignante. Parfois, on a même l’impression de sentir la satisfaction avec laquelle ils citent des passages décrivant des fléaux et des catastrophes lancés par un Dieu ombrageux sur un monde qui doit être puni.

Sur la même scène, aux côtés de ces prophètes autoproclamés animés par la colère divine, se dressent les moralistes du « Je vous l’ai dit », qui à leur tour ont passé au crible les Écritures à la recherche de textes qui leur permettraient de prêcher avec autorité leurs croyances sur ce qui est bon pour un monde qui devra enfin reconnaître qu’ils ont vraiment la meilleure recette pour un avenir meilleur. Les prophètes de malheur et les moralistes proclamant « Je vous l’ai dit » semblent irréfutablement convaincus que la crise de Covid-19 fait partie d’un modèle biblique de châtiment ou de réprimande divine.

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David Neuhaus SJ

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