L’exhortation du pape François Querida Amazonia surprend à bien des égards. Elle surprend notamment par la place qu’y occupe la poésie. Là où les papes précédents nous ont habitués aux références philosophiques et théologiques nous attendent des extraits de poèmes. Ces derniers créent des éclaircies inattendues dans la surface du texte, des respirations inaccoutumées dans un document du magistère. Seize écrivains et poètes, sud-américains d’origine ou d’adoption, sont cités ; leurs textes, on le devine, donnent leur pleine mesure en espagnol et en portugais.[1] S’ils résonnent en d’autres langues, c’est grâce à un effort redoublé de la part des traducteurs.
Dans les pages que voici[2] j’interrogerai le précédent créé par le pape François. Pourquoi cette intrusion de la poésie – et de la poésie sud-américaine – dans un document ecclésial ? Y a-t-il un magistère des métaphores ? Un évangile de ces métaphores ? La poésie est-elle la seule forme littéraire à surprendre dans l’exhortation pontificale ?
Le lien de Jorge Mario Bergoglio avec la littérature est connu. Il a une illustration éloquente dans la rencontre qu’il organisa avec Jorge Luis Borges en 1965. Le jésuite avait 28 ans à l’époque ; il enseignait dans un lycée à Santa Fe, à 500 km de Buenos Aires ; l’écrivain, le plus fameux de sa génération en Argentine, était âgé de 66 ans. Borges fit le long voyage en bus pour échanger pendant trois jours avec les élèves de Bergoglio. Ce dernier, cinquante-cinq ans plus tard, cite encore de mémoire des poèmes de son invité. On peut imaginer que les seize textes cités dans l’exhortation Querida Amazonia rejoignent les poèmes de Borges dans la mémoire du pape François, où ils forment comme un « arrière-pays » poétique. Dans l’ouverture du document, le pape précise qu’il « souhaite [y] exprimer les résonnances qu’a provoquées en [lui] » le déroulement du Synode (n. 2). Le ton est personnel et voilà, peut-on imaginer, ce qui expliquerait le recours à la poésie.
Une exhortation apostolique reste néanmoins une exhortation apostolique. Pourquoi le pape a-t-il scandé de poèmes (et de poèmes sud-américains) un enseignement adressé à tous, au-delà de ses premiers destinataires amazoniens ? Pourquoi a-t-il voulu que l’exhortation, en tant que discours de confirmation et d’encouragement, prenne aussi le chemin de la poésie ?
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