QUAND LA VÉRITÉ MEURT, QUI N’EN RESSENT PAS LE MANQUE ? Une réflexion à l’ère de la post-vérité
Published Date:5 septembre 2024

Introduction

Après que l’Oxford Dictionary l’a élevée au rang de mot de l’année en 2016, la notion de post-vérité a attiré l’attention du public[1]. Ce dictionnaire qui fait autorité a associé le terme à des événements tels que le Brexit et la montée de la nouvelle droite populiste dans divers pays occidentaux. Nous pouvons dire que le terme « post-vérité » fait référence à une attitude qui cesse de donner la priorité aux faits objectifs dans le processus de formation de l’opinion publique, au profit d’idéologies tribales.

Cependant, si la montée du populisme, souvent alimentée par des théories du complot, nous donne le sentiment d’entrer dans une nouvelle ère, celle de la post-vérité, il faut reconnaître qu’il ne s’agit pas d’un phénomène totalement nouveau. Les totalitarismes du passé n’informaient les citoyens de leurs nations que des faits qui confirmaient leurs idéologies. Ils sont souvent allés jusqu’à modifier des faits objectifs pour valider l’idéologie institutionnalisée. La vérité devait s’adapter non pas à une réalité objective indépendante des constructions humaines, mais à l’idéologie du groupe qui avait pris le pouvoir. C’est pourquoi la post-vérité nous fait facilement penser au nazisme des années 1930, ainsi qu’au révisionnisme historique du régime soviétique et de ses alliés.

Dans ce contexte, il vaut la peine de reprendre la thèse proposée par l’historien et essayiste américain Timothy Snyder[2]. Selon lui, « la post-vérité est le préfascisme[3] ». Snyder nous ouvre ainsi une perspective paradoxale : la violence du fascisme, typique de la pratique de l’extrême droite, semble s’être développée à partir du relativisme promu par les idéologies d’extrême gauche.

This article is reserved for paid subscribers. Please subscribe to continue reading this article
Subscribe