Dieu et l’assemblée, ou la surprise de parler la même langue
C’est vraiment un « grand principe » que celui proclamé par la constitution Sacrosanctum Concilium à l’article 36, reconnaissant aux assemblées liturgiques particulières le droit de s’entretenir avec Dieu dans leur propre langue. Les historiens nous rappellent que le problème de la langue liturgique avait déjà été abordé et résolu avec succès, au milieu du IXe siècle, par les saints Cyrille et Méthode. Répondant à ceux qui limitaient à trois les langues « dans lesquelles il est licite de louer Dieu, c’est-à-dire l’hébreu, le grec et le latin », celles qui, de fait, figuraient sur le titre de la croix, les deux saints frères classaient la langue liturgique parmi les biens dont personne ne peut être privé, au même titre que Dieu « fait tomber la pluie sur les justes et les injustes », « fait lever son soleil sur les bons et les méchants » (Mt 5,45)[1].
L’action apostolique de Cyrille et Méthode ne concernait que les peuples slaves. Des siècles s’écoulèrent avant que le problème ne soit soulevé pour les Latins, mais cette fois sans succès. Nous étions au XVIe siècle, une époque chargée de promesse, mais agitée par des turbulences doctrinales. Dans ce climat ardent, le concile de Trente, occupé à contenir la dérive qui avait déjà bouleversé une partie de la chrétienté, ne fut pas capable de satisfaire la requête des réformateurs en faveur de la liturgie dans la langue du peuple. Tout en anathématisant quiconque prétendait « que la Messe doit être célébrée uniquement en langue populaire » (Denzinger – Schönmetzer [DS] 1759), le Concile s’empressa de « recommander aux pasteurs et à ceux qui ont charge d’âmes d’expliquer fréquemment au cours de la célébration de la Messe, directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, certaines des choses qui sont dites dans la Messe » (DS 1749). En Italie, le premier qui osa mettre entre les mains du peuple chrétien — « pour la gloire de Dieu et pour le bénéfice des ignorants », comme il le disait lui-même — la traduction de toutes les prières de la Messe, y compris le canon, fut Lodovico Antonio Muratori dans son livret Della regolata divozione de’ Cristiani, édité en 1747. Cette courageuse tentative fut suivie d’autres, en Italie et ailleurs. Cependant, il faut reconnaître qu’entre mettre dans les mains du peuple le texte de la Messe — et en particulier du canon — dans les langues populaires et adopter de manière effective ces langues pour la célébration, il y avait encore un abîme.
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