MADAGASCAR : UN NOUVEAU VIRAGE ?
Published Date:30 avril 2024
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Le 16 novembre 2023, les Malgaches sont allés voter leur président. Cette quatrième[1] plus grande île du monde, située dans l’océan Indien au large des côtes de l’Afrique australe Madagascar a une superficie de 591.896 km². En 2022, sa population a été estimée à 29,61 millions de personnes en 2022. 50% des Malgaches ont moins de 20 ans ; les femmes représentent 50,6% de la population totale.

Par ailleurs, 78% de la population de ce pays résident en milieu rural et 22% en milieu urbain. Le malgache et le français sont les deux langues officielles du pays. Comme langue nationale, le malgache est enseigné à l’école primaire. Quant au français, il est parlé par environ 20% à 26,5% de la population. Il faudrait aussi noter qu’il existe une grande variété de langues locales dites vernaculaires telles que le betsimisaraka, le merina et le sakalava.

Du point de vue socio-économique, Madagascar est au 164e rang sur 189 selon l’Indice du Développement Humain. En 2020, il avait enregistré une croissance négative (d’un taux initialement prévu de +5,2% à -4,2%) affectant le taux de pauvreté (1,9 dollar par jour)[2]. Madagascar fait en effet face à une croissance économique insuffisante et une pauvreté persistante. Près de la moitié de la population n’a pas accès à l’eau.

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En 2022, Madagascar avait atteint un des taux de pauvreté les plus élevés au monde, atteignant 75% au niveau national[3]. Cette situation se justifie en grande partie par les faiblesses de la gouvernance, sans oublier un développement inadéquat du capital humain et physique. En outre une transformation structurelle lente justifie cette pauvreté. Malgré ses richesses naturelles, Madagascar a connu le plus fort appauvrissement au monde depuis 1960.

Entre 1960 et 2020, le revenu par habitant de Madagascar a en effet diminué de 45 %. Les experts soutiennent que les maigres progrès enregistrés lors des périodes de relative stabilité sont presque systématiquement balayés par les crises successives, ajoutant que le manque de transparence au cœur du pouvoir, et la capture de l’État par des élites contribuent pour beaucoup à cette situation.

Plus de la moitié de l’économie de ce pays est informelle et échappe à tout contrôle. En sus, le secteur privé est trop petit et peu compétitif, caractérisé par de faibles niveaux d’investissement. Plus de 90 % de la population en âge de travailler reste engagée dans l’agriculture de subsistance et dans les services informels. Sans compter le poids de la corruption, qui gangrène toujours le pays. La principale richesse de Madagascar est la vanille. Elle représente 5 % du PIB malgache. L’industrie de la vanille est au centre d’une lutte de pouvoir entre le gouvernement et les grands acteurs du secteur qui sont pour la plupart des étrangers.

Madagascar est souvent victime des revers climatiques. En effet, les tempêtes tropicales et des cyclones s’y sont souvent abattus ces dernières années. En 2021, le sud de Madagascar avait été frappé par une sécheresse provoquant une terrible famine[4]. L’augmentation des crises climatiques et la croissance démographique rapide ont aussi une grande incidence sur la situation économique désastreuse du pays.

Son président actuel, Andry Rajoelina, né le 30 mai 1974 à Antsirabe, détient aussi la nationalité française. De 2009 à 2014, il fut président de transition, avant d’être président de la République de 2019 à 2023. Rajoelina était un homme d’affaires[5] avant de se lancer dans la politique en devenant (par élection) maire d’Antananarivo en 2007.

Par ailleurs, sur le plan politique, Madagascar est un pays qui connaît une instabilité politique depuis son indépendance. Il a surtout traversé quatre crises politiques majeures. La première est survenue en mai 1972, douze ans après l’indépendance du pays proclamée le 26 juin 1960. Cette crise a ses racines dans les accords de coopération entre Madagascar et la France, signés le 27 juin 1960. Ces accords, signés un jour seulement après l’indépendance, étaient très critiqués et considérés comme un prolongement d’une colonisation déguisée. Ils garantissaient aux ressortissants des deux pays la possibilité d’occuper tout poste dans la fonction publique. Ils permettaient également dans les deux pays d’ouvrir des commerces et des entreprises au même titre que les nationaux.

Au plan social, en janvier 1972, les futurs médecins malgaches « aux pieds nus », d’origine modeste, ont commencé à manifester. Ils n’étaient d’abord pas bien nombreux et ne réclamaient que de meilleures conditions de logement. Et en avril 1972, les collégiens et lycéens se sont également mobilisés pour contester l’organisation du concours d’entrée en seconde. Le 22 avril de la même année, le gouvernement décida de fermer l’école de Befelatanana et de dissoudre l’association des étudiants. Le 24 avril, c’était la grève générale.

Comme conséquence, les manifestants avaient provoqué la chute du gouvernement qui, selon eux, s’était compromis par sa collaboration avec l’ancienne métropole. Les manifestants avaient obtenu la révision des accords de coopération avec la France. Certains observateurs ont alors parlé de la Deuxième indépendance malgache[6].

La deuxième crise politique majeure a eu lieu en 1991. Il faudrait voir cette crise dans un contexte d’effondrement du Bloc de l’Est et sous l’angle de l’élan mondial de démocratie libérale du début des années 1990. C’est en cette période que s’est formé le mouvement des Forces vives, soutenu par les Églises. Ce mouvement d’opposition politique exige un changement radical du texte constitutionnel à partir de mai 1991. En juin 1991, un mouvement de mécontentement populaire émerge. Des centaines de milliers de personnes se rassemblent pacifiquement sous la bannière du Comité des « Forces vives », présidé par Albert Zafy, qui met en place un gouvernement de transition.

Il y a eu alors escalade et le sommet de la crise fut atteint avec la « Grande marche de la liberté », le 10 août 1991. Lors de cette manifestation, les forces de l’ordre ont fait feu sur la foule qui se dirigeait vers le Palais présidentiel d’Iavoloha, faisant plus d’une centaine de morts. Cette crise a conduit à une relative ouverture, tant économique que politique, facteur de développement et d’expression de nouveaux acteurs mais elle fut aussi une source d’instabilité[7].

C’est en 2002 qu’il y a eu la troisième crise politique majeure. La crise était née de la contestation des résultats des élections présidentielles du 16 décembre 2001. En janvier 2002, des dizaines de milliers d’opposants au président Didier Ratsiraka se rassemblaient presque quotidiennement à Antananarivo pour dénoncer les fraudes au premier tour de l’élection présidentielle.

Il arriva qu’en février 2002, Marc Ravalomanana, autoproclamé président, occupa les ministères abandonnés par les membres du gouvernement officiel. En avril 2002, un accord de sortie de crise est signé mais non appliqué. En juin 2002, les premiers combats meurtriers opposèrent les forces du président Marc Ravalomanana, déclaré vainqueur de l’élection de décembre 2001, aux troupes restées fidèles au président sortant, Didier Ratsiraka.

La France, en juillet 2002, reconnut le pouvoir de Marc Ravalomanana. En décembre 2002, le parti du président Marc Ravalomanana, « J’aime Madagascar », remporta les élections législatives[8].

Enfin, la quatrième crise politique majeure eut lieu en 2009 et avait duré jusqu’en 2013. En février 2009, Andry Rajoelina, alors maire d’Antananarivo, s’autoproclame président, occupant les ministères abandonnés par les membres du gouvernement officiel. Cette crise a entraîné une chute brutale de tous les aspects positifs de l’économie malgache et a laissé place à un marasme économique important n’épargnant aucun secteur. Tous les secteurs ont été frappés de plein fouet par cette crise, à commencer par celui du tourisme[9].

En somme, on peut dire que chacune de ces crises a entraîné un changement de régime et de constitution, même si on doit reconnaitre que les élections législatives qui avaient eu lieu le 16 juin 1993 étaient positives sur différents aspects, car elles avaient porté les Malgaches (malagasi) à renouveler la Chambre des députés, mettant fin à la période de transition qui avait abouti à l’adoption d’une nouvelle Constitution et à l’élection d’un nouveau président de la république[10].

Les différentes crises politiques qu’a connues Madagascar ont également provoqué de graves crises économiques. La crise politique commence généralement de la même manière : grèves et manifestations de rue dans les zones urbaines. Ces mouvements ne sont généralement pas organisés par l’opposition, ils sont surtout causés par l’effondrement du gouvernement et de ses partisans. Cela est dû à une longue emprise sur le pouvoir, comme le cas de Didier Ratsiraka, le président de Madagascar demeuré le plus longtemps en fonction. Son régime fut caractérisé par la corruption, le népotisme et l’érosion de la démocratie. Depuis 1972, un autre facteur aggravant de la crise est la participation d’éléments de l’armée à la politique[11].

 

La situation politique actuelle

Avant la dernière élection présidentielle qui a eu lieu le 16 novembre 2023, il y a eu une controverse concernant l’éligibilité du président sortant Rajoelina. En effet, en juin 2023, une polémique a éclaté lorsque des informations ont fait surface selon lesquelles Rajoelina détenait la nationalité française depuis novembre 2014. Cela a été considéré comme problématique en raison de l’article 42 du code de la nationalité de Madagascar qui indique que si un Malgache adulte acquiert volontairement une nationalité étrangère, il perd sa nationalité malgache.

Il y a en outre l’article 46 de la constitution malgache de 2010, qui stipule qu’un candidat à la présidence doit être de nationalité malgache. L’opposition a considéré que cette nouvelle disqualifiait M. Rajoelina et l’empêchait de continuer à exercer ses fonctions de président, et a déposé des plaintes et des recours en justice. Toutefois, en septembre, la Haute Cour constitutionnelle a rejeté les recours et approuvé la candidature de M. Rajoelina à l’élection présidentielle.

Et après la confirmation de son éligibilité par la Haute Cour constitutionnelle, et conformément à la constitution, Rajoelina avait quitté ses fonctions de président le 9 septembre 2023 afin de se présenter à la réélection. Mais il s’est créé encore une autre situation, controversée aussi celle-là. En vertu de la constitution, le président du Sénat, Herimanana Razafimahefa, était censé assumer le rôle de président par intérim, mais celui-ci a refusé et c’est le Premier ministre Christian Ntsay, un allié de Rajoelina, qui a assumé ce rôle.

Le transfert de pouvoir a été critiqué par l’opposition qui y a vu un coup d’État institutionnel. Une nouvelle controverse a éclaté en octobre 2023 lorsque Razafimahefa a déclaré qu’il avait subi des pressions pour refuser le rôle de président par intérim mais qu’il était maintenant prêt à l’accepter. Le gouvernement avait réagi en le démettant de ses fonctions de président du Sénat. Un autre allié de Rajoelina, Richard Ravalomanana, lui a succédé à ce poste et a également assumé le rôle de président par intérim du pays à la fin du mois d’octobre 2023. Les candidats de l’opposition ont dénoncé cette série de manœuvres inhabituelles.

Parmi les 13 candidats à la présidence figuraient Rajoelina ainsi que les anciens présidents Marc Ravalomanana et Hery Rajaonarimampianina. La campagne électorale a été marquée par des tensions et des violences. Un collectif de 11 (plus tard 10) candidats s’est regroupé et a boycotté la campagne électorale, organisant à la place des rassemblements non autorisés pour protester contre la gestion de l’élection par le gouvernement qui, selon eux, a été truquée en faveur de Rajoelina.

Ce collectif a aussi assisté impuissant au rejet de ses préoccupations concernant la double nationalité de Rajoelina, et les manœuvres visant à remplir le rôle de président par intérim. De nombreux rassemblements de l’opposition ont été dispersés avec une force disproportionnée, faisant de nombreux blessés. Dans ce contexte tendu, la date initiale de l’élection, fixée au 9 novembre 2023, a été repoussée d’une semaine, au 16 novembre 2023. À l’approche de cette nouvelle date, le climat politique s’était encore enflammé et des voix se sont levées pour réclamer un nouveau report de l’élection. Le collectif des dix candidats à la présidence a annoncé qu’il boycottait l’élection et a exhorté ses partisans à ne pas voter[12].

 

Déroulement de l’élection

L’élection présidentielle qui a eu lieu le 16 novembre 2023 s’est soldé par la réélection du président sortant, Andry Rajoelina avec 58,95 % des voix, selon les chiffres provisoires publiés le 25 novembre 2023 par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Et le 1er décembre 2023, la Haute Cour constitutionnelle (HCC) de Madagascar a définitivement validé la victoire d’Andry Rajoelina.

Par cette décision, la Haute Cour constitutionnelle a ainsi rejeté les recours de l’opposition qui dénonçait de nombreuses irrégularités. Même si le président Rajoelina s’est félicité de sa réélection en déclarant que le peuple malgache avait choisi la voie de la continuité, de la sérénité et de la stabilité, le climat est tendu. Pour preuve, fin novembre-début décembre 2023, deux colonels de l’armée (malgache) ont été arrêtés. Ils ont été accusés d’avoir tenté de contester l’élection présidentielle et de déstabiliser le pouvoir en amont du scrutin. Le chef de l’armée, William Michel Andriamasimanana, est même intervenu pour calmer la situation en déclarant que l’armée respecterait le résultat du scrutin. En outre, une bonne partie de Malgaches avaient manifesté un désintérêt pour les élections et la politique.

Avant les élections, huit pays et organisations avaient exprimé leur préoccupation après des tensions pendant les manifestations de l’opposition, en dénonçant en même temps un usage excessif[13] de la violence répressive. Et juste après le vote, les trois groupes d’observateurs internationaux, l’Union Africaine, la Communauté de développement de l’Afrique australe (Southern African Development Community, SADC, en anglais) et l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), avaient présenté les premiers résultats de leur mission et avaient appelé le gouvernement à ouvrir une concertation afin de sortir de la crise dans laquelle Madagascar s’était enfoncé.

Pour sa part, l’Union africaine, par la voix de la cheffe de la mission d’observation électorale, la centrafricaine Catherine Samba-Panza, avait pris acte de la tenue du scrutin. La mission de l’Union africaine avait aussi, à la suite de la SADC, exhorté le gouvernement malgache à mettre en place un cadre de dialogue « réunissant toutes les forces vives afin de trouver une issue à la crise politique ».

De son côté, l’Organisation internationale de la francophonie, OIF, avait souhaité le rétablissement de la confiance et de l’État de droit pour préserver la stabilité du pays. Quant à l’observatoire indépendant, l’association de la société civile Safidy, avec 5.000 représentants déployés dans toutes les régions, avait pointé de multiples irrégularités. Safidy avait ainsi indiqué qu’il y avait des personnes non inscrites sur les listes et sans pièce d’identité qui ont été autorisées à voter, que le transport du matériel de vote n’était pas sécurisé, qu’il y avait eu d’achat des voix et des promesses de bénéficier de programmes sociaux si Rajoelina était élu, etc.

Le camp du président Rajoelina avait plutôt affiché une attitude d’autodéfense.  Lalatiana Rakotondrazafy, l’ancienne ministre de la culture et de la communication du gouvernement Rajoelina a soutenu qu’il n’y avait jamais eu de crise politique à Madagascar qu’il y avait seulement eu quelques troubles créés par des candidats qui avaient peur d’aller au scrutin[14].

L’opposition, qui avait appelé à boycotter l’élection, tout en réclamant son report, avait, avant même l’annonce des résultats par la CENI, prédit qu’elle n’allait pas les reconnaître. Elle avait par ailleurs dénoncé un simulacre d’élection organisée de force, en la qualifiant aussi d’illégitime et truffée d’irrégularités. Sur les 12 candidats de l’opposition, il n’avait que 2 qui avaient fait campagne : Siteny Randrianasoloniaiko (qui a obtenu 14,4%) et Sendrison Daniela Raderanirina (0,8 %).

Par contre, l’ancien président Marc Ravalomanana, qui avait aussi appelé au boycott, a été crédité de 12,1 % de voix. M. Siteny Randriasoloniaiko a donc saisi la Haute Cour constitutionnelle pour deux requêtes : l’annulation du scrutin et la destitution d’Andry Rajoelina. Il a notamment, dans sa saisine, accusé Rajoelina d’avoir utilisé pendant la campagne l’hélicoptère de l’État. Ce qui est, selon lui, contraire à la loi[15].

Il est ainsi évident que l’élection présidentielle à Madagascar s’est déroulée dans une atmosphère tendue. Et le taux de participation a baissé par rapport à la précédente présidentielle de 2018, avec seulement 46% des inscrits qui se sont déplacés pour voter.

 

Les défis auxquels doit faire face Andry Rajoelina

Pour son second mandant à la tête de Madagascar, Rajoelina devra faire face à plusieurs défis majeurs. L’un d’eux, ce sont des réformes structurelles. Aucune réforme structurelle n’a été réalisée pour enclencher le développement de Madagascar. Le document cadre appelé « Plan Émergence Madagascar » (PEM), censé guider la politique de développement du pays, n’a jamais été publié dans sa version définitive. Dans ce document, la vision du développement vise à bâtir une nation émergente par un élan de solidarité nationale pour la fierté et le bien-être du peuple malgache. L’ambition de Rajoelina, avec ce plan, est de hisser Madagascar au rang des pays émergents à revenus intermédiaires afin de rattraper le retard de développement accumulé depuis l’indépendance. Le PEM avait pour vision, la stimulation de la croissance économique du pays grâce à une augmentation des investissements publics et privés, au renforcement du capital humain et à l’amélioration de la gouvernance. La priorité devait être donnée aux infrastructures routières, à l’habitat, à l’électricité, à l’eau et à la sécurité. Le PEM devait permettre d’améliorer la redevabilité de l’administration, de moderniser Madagascar par de nouvelles technologies, assurer la couverture de l’énergie dans tout le pays, d’améliorer les conditions de vie de la population et d’assurer la protection de l’environnement. Ce Plan devra en outre servir d’outil de référence pour tous les acteurs de développement, ainsi que de tableau de bord pour les hautes Instances de décisions et d’outil de solidarité pour tous les citoyens[16].

On peut dire que le Plan Émergence Madagascar repose sur quatre socles principaux : 1) l’émergence territoriale et spatiale, 2) l’émergence environnementale et le développement durable, 3) l’émergence économique et les relations internationales, et 3) l’émergence économique, financière et commerciale. Et il a pour objectifs de stimuler la croissance économique, d’augmenter les investissements publics et privés, de renforcer le capital humain, d’améliorer la gouvernance, de développer les infrastructures, de moderniser le pays, d’améliorer la condition de vie de la population et de protéger l’environnement. Le Plan Émergence Madagascar de Rajoelina identifie des secteurs phares pour la transformation socio-économique du pays, tels que l’agriculture, l’élevage, l’économie bleue, le tourisme, les mines et les hydrocarbures.

L’autre défi qui attend Rajoelina c’est la lutte contre la pauvreté. Plus de 8 Malgaches sur 10 vivent toujours sous le seuil de pauvreté. Le niveau de vie des habitants a dégringolé depuis 2018. Et la pandémie de Covid n’a rien arrangé pour les Malgaches car cette pandémie a mis à l’arrêt le secteur essentiel du tourisme, notamment, avec des conséquences dramatiques.

Rajoelina devrait aussi faire face, au niveau de l’économie à une prise de spirale inflationniste, peinant ainsi à renouer avec la croissance. En outre, sa monnaie, l’ariary, connaît une forte dépréciation. Les prix des biens de consommation ont en effet augmenté d’au moins 30% par rapport à 2019. La moyenne des taux d’inflation entre 2019 et 2023 s’élève à plus de 6%.

Quant à la sécurité alimentaire, il faudrait surtout s’occuper du Grand Sud et du Sud-Est, deux régions touchées par la famine et la malnutrition chronique, où plus d’un million de personnes souffrent actuellement d’insécurité alimentaire aiguë.

Concernant l’agriculture, le second mandat de Rajoelina a en face de lui un sérieux problème :  l’autosuffisance en riz promise est loin d’être atteinte. Madagascar importe encore l’équivalent de 20% de sa consommation annuelle.

Le secteur économique et industriel est lui aussi en souffrance. La délivrance des permis miniers est au point mort. Le secteur de la vanille est en crise. En ce qui est de l’éducation et de la santé, l’indice du capital humain de l’île est de l’ordre de 0,39 (l’un des plus faibles au monde)[17]. En fait, faute d’éducation et de bonne santé, les enfants malgaches ont peu de chance à l’heure actuelle de devenir des adultes productifs.

Du point de vue politique, Rajoelina aura des difficultés à passer en toute quiétude son second mandat. Il y a une crise politique, avec l’opposition qui n’a pas reconnu pas les résultats de sa réélection. Il lui revient de prendre un nouveau virage pour son pays.

 

 

[1] Madagascar est en fait la quatrième plus grande île du monde après Groenland, Nouvelle-Guinée et Bornéo (Cf. F. COLAS, « Les 10 plus grandes îles du monde », in Generationvoyage.fr, (https://generationvoyage.fr/plus-grandes-iles-monde/), 22/08/2023.

[2] Cf. « A propos de Madagascar », in UNDP, (https://www.undp.org/fr/madagascar/propos-de-madagascar), 20/09/2023.

[3] Cf. « Madagascar – Vue d’ensemble » in Banque mondiale, (https://www.banquemondiale.org/fr/country/madagascar/overview), 27/11/2023.

[4] Cf. « Élection présidentielle à Madagascar : pourquoi l’économie a fortement régressé », in Le Point, (https://www.lepoint.fr/afrique/election-presidentielle-a-madagascar-pourquoi-l-economie-a-fortement-regresse-16-11-2023-2543309_3826.php), 16/11/2023.

[5] Rajoelina avait créé son entreprise du nom de Injet en 1999, la première société d’impression numérique et de panneaux publicitaires de Madagascar. En 2000, il a repris DomaPub, la société d’affichage publicitaire de la famille de sa femme. En 2007, il acheta la Radio Télévision Ravinala, qu’il rebaptisa Viva Radio et Viva TV.

[6] Cf. F. LUM, « Madagascar 1972 : l’autre indépendance. Une révolution contre les accords de coopération », in Le Mouvement Social, 2011/3 (n° 236), p. 61-87. (https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social1-2011-3-page-61.htm), 11/12/2023.

[7] Cf. S. TROUILLARD, « Madagascar célèbre les 60 ans de sa sanglante indépendance », in France24, (https://www.france24.com/fr/20200626-madagascar-c%C3%A9l%C3%A8bre-les-60-ans-de-son-ind%C3%A9pendance), 26/06/2020.

[8] Cf. Cf. L. SANCHEZ, « Madagascar : comment comprendre la crise politique ? », in TV5monde, (https://information.tv5monde.com/afrique/madagascar-comment-comprendre-la-crise-politique-29298), 11/12/2023.

[9] On peut lire à ce sujet : P. RAKOTOMALALA, « Madagascar : la crise de 2009 ou les aléas de la diplomatie française », in Afrique contemporaine, 2014/3 (n° 251), p. 93-105. (https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine1-2014-3-page-93.htm). Ou encore : « Madagascar 2009-2013 : un quinquennat de turbulences politiques », in RFI, (https://www.rfi.fr/fr/afrique/20131023-2009-crise-politique-malgache-quinquennat-turbulences-rajoelin-ratsiraka-ravalomanana), 24/10/2013.

[10] Cf. G. MANZONI, « Democrazia e non-violenza in Madagascar. Breve storia di una evoluzione politica verso la democrazia”, in La Civiltà Cattolica 1993 IV 190-195.

[11] Lire avec intérêt : « MADAGASCAR : ÉTAT DES LIEUX DE LA SITUATION POLITIQUE, SOCIALE ET ÉCONOMIQUE », in Grandiailleurs, (https://www.grandirailleurs.org/madagascar-etat-des-lieux-de-la-situation-politique-sociale-et-economique/), 27/09/2022.

[12] Cf. A. McKENNA, « Andry Rajoelina, president of Madagascar », in Britannica.com, (https://www.britannica.com/biography/Andry-Rajoelina), 18/12/2023.

[13] « La réélection de Rajoelina est définitivement validée à Madagascar », in VOA, (https://www.voaafrique.com/a/madagascar-la-r%C3%A9%C3%A9lection-de-rajoelina-d%C3%A9finitivement-valid%C3%A9e/7379978.html), 01/12/2023

[14] L. CARAMEL, « Crise électorale à Madagascar : les observateurs internationaux appellent au dialogue », in Le Monde, (https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/19/crise-electorale-a-madagascar-les-observateurs-internationaux-appellent-au-dialogue_6201081_3212.html), 19/11/2023.

[15] Cf. « Madagascar: Andry Rajoelina, vainqueur de l’élection présidentielle, dès le premier tour », in RFI, (https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231125-madagascar-andry-rajoelina-vainqueur-de-l-%C3%A9lection-pr%C3%A9sidentielle-d%C3%A8s-le-premier-tour), 25/11/2023.

[16] Cf. « Le Plan Emergence de Madagascar (PEM) 2019-2023 », in YEARBOOK MADAGASCAR – EDBM 2021, (https://issuu.com/ldmev/docs/madagascar_yearbook_2021/s/12998962).

[17] Cf. « Élection présidentielle à Madagascar : pourquoi l’économie a fortement régressé », Op. Cit.