Après la fin de l’Union soviétique, non seulement l’élite pro-occidentale russe mais aussi la vaste majorité de la population avaient l’espoir de devenir une partie de la communauté occidentale, ou plutôt de redevenir une partie de l’Europe après avoir suivi sa propre voie à partir de la Révolution d’octobre. On pensait que ce serait un parcours naturel pour la Russie.
Cependant, après toutes les tergiversations des années 1990, il est devenu évident, déjà au cours du second mandat de Poutine, que ce parcours n’allait pas du tout de soi. L’Europe ne voulait pas de la Russie, qui, pour sa part, ne voulait pas non plus se lier à l’Europe moderne et à ses valeurs. Les deux parties étaient déçues l’une de l’autre, car elles avaient une fausse image l’une de l’autre et de fausses attentes réciproques[1].
L’Europe et l’Occident en général étaient convaincus que, avec la victoire de la « guerre froide », la « fin de l’histoire » était arrivée et que le reste du monde, y compris la Russie, devait suivre le modèle occidental.
Au contraire, en Russie, les espoirs de réintégration dans le cercle des États européens se sont révélés illusoires, non seulement parce que la nation était beaucoup moins « européenne » qu’on ne l’avait imaginée, mais aussi parce que l’Europe avait considérablement changé depuis le début du vingtième siècle.
Les deux principaux courants culturels en Russie, que l’on faisait remonter à l’Europe – le mouvement ouvrier et la culture bourgeoise, avec son éducation humaniste et sa conscience historique – s’étaient dissous et remplacés par un courant complètement différent. Le passage de la modernité à la postmodernité, qui eut lieu en Europe et aux États-Unis entre les années 1960 et 1980, arriva en Russie avec la perestroïka, mais fut rapidement rejeté.
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