LES JÉSUITES ET LES YEUX DE FRANÇOIS. Sept ans de pontificat
Last Updated Date : 28 mai 2020
Published Date:16 avril 2020
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Ces dernières années, la Compagnie de Jésus s’est interrogée sur la manière de servir le Seigneur et l’Église au temps du pontificat de François dans le contexte social, politique et économique que le monde traverse.

Le point de départ de notre discernement ‑ qui a engagé toutes les communautés jésuites et toutes nos œuvres apostoliques ‑ a été notre « unité dans la diversité » des cultures, des langues et des traditions. Actuellement, la Société est composée d’environ 15 600 jésuites, dispersés dans près de 110 pays à travers le monde, avec une plus grande densité qui s’est déplacée de l’Europe vers la ceinture qui va de l’Amérique latine à l’Asie, en passant par l’Afrique[1]. Nous collaborons dans toutes les parties du monde avec des milliers de laïcs, d’autres religieux et religieuses, des prêtres diocésains, des hommes et des femmes engagés dans la même mission apostolique dans les domaines théologique et spirituel, culturel et social.

Ce riche processus d’écoute et de discernement nous a permis de présenter au Saint-Père quatre préférences apostoliques universelles : l) Indiquer le chemin vers Dieu à travers les Exercices spirituels et le discernement ; 2) Marcher avec les pauvres, les exclus du monde, les blessés dans leur dignité, dans une mission de réconciliation et de justice ; 3) Accompagner les jeunes dans la création d’un avenir d’espérance ; 4) Collaborer aux soins de la  maison commune .

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En 2003, la Société a établi comme préférence le ministère en Chine et en Afrique, le service des migrants et des réfugiés, l’apostolat intellectuel et ses Institutions internationales à Rome. Ils ont rappelé les cinq grands besoins de la mission qui pouvaient être gérés avec l’aide du Corps universel de la Compagnie. Ces besoins restent un défi pour nous tous et ne doivent pas être négligés ni remplacés.

Les quatre préférences indiquées sont des « orientations » qui mettent en évidence le caractère spirituel de notre mission. Il n’y a pas une préférence plus importante que les autres : tous sont pour nous un appel qui touche notre identité et doit être considéré et compris ensemble. De plus, elles n’énumèrent pas de nouvelles « choses » à faire mais traitent de « l’inspiration sur la façon de faire » et vivre la mission, dans un horizon universel, à décliner dans les spécificités des lieux où nous sommes.

Dans sa lettre de confirmation du 6 février 2019, le pape François a déclaré que « le chemin suivi par la Compagnie pour parvenir aux préférences apostoliques universelles a été […] celui d’un véritable discernement ». Les préférences proposées sont, selon le Pape, « en harmonie avec les priorités actuelles de l’Église, exprimées à travers le magistère ordinaire du Pape, des Synodes et des Conférences épiscopales, notamment à partir de Evangeliigaudium ». Le Pape a ensuite ajouté :

« La première préférence est capitale, car elle suppose comme condition fondamentale la relation du jésuite avec le Seigneur, la vie personnelle et communautaire de prière et de discernement ». Puis, il a réitéré : « Sans cette attitude de prière, le reste ne fonctionne pas ».

L’expérience de saint Ignace de Loyola nous enseigne que l’on ne peut pas donner de vieilles réponses aux nouveaux problèmes de l’Église et du monde. Pour réformer les institutions, il faut réformer le cœur de ceux qui les gouvernent. Ignace était un « homme-pont » du 16e siècle, celui des changements d’époque, quand les espaces de la planète et de l’homme se sont dilatés il a fallu bâtir un monde nouveau ; Christophe Colomb venait de découvrir l’Amérique ; avec Copernic, la science préconisa que c’est la terre qui tourne autour du soleil ; c’étaient l’époque de Luther et du Concile de Trente…

Dans des changements d’une époque comme la nôtre, chaque réforme interne de l’Église commence par récupérer le rapport avec soi-même en relation au Christ, en communion avec le successeur de Pierre. Les préférences apostoliques universelles ont été formulées dans cet esprit. Elles sont nées de la rencontre avec Jésus crucifié, dont l’amour donne un « regard universel ». Ce passage de l’Évangile de Jean nous le rappelle : « Dieu, personne ne l’a jamais vu : le Fils unique qui est Dieu et qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a révélé » (1 Jn 1,18). Il est donc nécessaire de cultiver, comme le dit saint Ignace, « la connaissance intérieure du Seigneur, qui s’est fait homme pour moi, afin de l’aimer et le suivre davantage[2] ».

C’est pourquoi le Pape nous a demandé de repartir de la spiritualité. Pour la Compagnie, placer le soin de la vie spirituelle au centre, selon le charisme que nous avons reçu, signifie réactiver les processus, générer de l’espérance, permettre de voir le monde comme Dieu le regarde. Les gestes, les mots et les choix du pontificat de François doivent être lus avec ce regard universel, qui recompose les tensions, les malentendus et les intérêts particuliers.

 

Le chemin vers Dieu à travers des Exercices spirituels et le discernement

Le mot « discernement » est l’un de ceux qui caractérisent ce pontificat. Toutefois, il faut bien le comprendre, pour ne pas le comprendre mal, dans le sens de « faire ce que je veux » et le justifier.

Certaines tendances des cultures contemporaines semblent vider le discernement de sa signification anthropologique, c’est-à-dire du sens de l’obligation envers les impératifs de la conscience, de la responsabilité envers les pauvres qui souffrent et, enfin, de l’obéissance à la volonté de Dieu[3]. Seul le discernement intègre à la fois la vérité et la liberté, la loi et la responsabilité, l’autorité et l’obéissance, ce qui, du latin ob-audire, signifie « écouter devant l’Autre ».

Le désir et la volonté de discerner ne se tiennent pas pour acquis. Généralement, ce n’est pas une attitude spontanée ou normale. Le discernement n’est pas simple ; car, c’est un processus complexe qui implique toutes les personnes et les groupes qui le font. Il faut donc se demander : existe-t-il une réelle volonté de discerner ? Les étapes de ce processus sont résumées par le Pape dans Evangeliigaudium, quand il cite les trois verbes : « reconnaître », « interpréter », « choisir ».

Depuis qu’Ignace de Loyola a systématisé les règles du discernement en 1523, celles-ci sont devenues une grammaire commune offerte à tous les hommes de bonne volonté. L’expérience des Exercices spirituels conduit à comprendre la vocation à laquelle nous sommes appelés pour servir le Christ, et donc à choisir librement de le faire. Grâce au discernement, on peut distinguer les séductions du mal – y compris quand elles sont vêtues de l’apparence du bien – par des signes de la présence de Dieu opérant dans l’histoire humaine. Le discernement conduit donc à faire des choix sur le sens de sa propre vie.

C’est dans le discernement que prennent forme les grandes questions de la vie personnelle et de la communauté chrétienne et humaine : Qui suis-je appelé à être ? Quelle décision est utile de prendre en tant que communauté de croyants pour le bien de tous ? Comment éviter le mal social et construire le bien commun ?

Dans la vie personnelle, comme dans la vie sociale et politique, le discernement aide à la construction du bien commun : ceux qui le font en reçoivent « du courage, de la force, des consolations et la paix », écrit Ignace de Loyola dans les Exercices spirituels. Par le discernement, nous ne nous séparons plus entre les croyants et les non-croyants, mais entre les hommes moraux et immoraux, entre ceux qui promeuvent le bien de tous et ceux qui sèment la peur et la division. Mais il y a davantage. Dans le discernement communautaire, les limites des crises personnelles et sociales peuvent laisser une place à la vie qui naît après la mort et les nouveaux signes des temps.

La Déclaration universelle des droits de l’homme est un exemple de la manière dont les peuples et les nations ont mûri le discernement, plaçant la dignité de la personne au centre. Malheureusement, ces dernières années, nous avons assisté à une réduction de l’universalité des droits humains ; nous voyons le rapport entre la loi et le pouvoir changer. Nous pourrions en donner de nombreux exemples : des immigrants à la frontière mexicaine aux requerrants d’espoir en mer Méditerranée, des exodes silencieux des populations d’Afrique aux persécutions des minorités ethniques en Asie et Amérique latine. C’est le pouvoir politique qui décide, de temps en temps, si les personnes qui n’ont pas droit à la citoyenneté peuvent jouir des droits humains.

C’est la société laïque qui nous interpelle. Pour proclamer l’Évangile, il faut surmonter à la fois la laïcité et la nostalgie des expressions culturelles du passé. La société laïque est aussi un signe des temps qui nous offre l’opportunité de forger notre foi dans l’histoire. C’est le lieu où de nouveaux espaces s’ouvrent pour la liberté humaine et, en celle-ci, pour la liberté religieuse. C’est dans la société laïque que les conditions se posent pour une adhésion renouvelée à la suite de Jésus dans les cercles sociaux, économiques, culturels et politiques de notre temps.

 

Marcher avec les pauvres, dans une mission de réconciliation et de justice

Pour le pape François, l’avenir de l’humanité passe par l’inclusion sociale des pauvres, la construction de la paix et le dialogue social[4]. L’inclusion des pauvres n’est pas donnée de l’extérieur : elle n’est possible que s’ils décident de la réaliser. La condition pour construire l’inclusion, la justice et la paix est de « marcher ensemble ». François donne l’exemple. Il n’y a pas de recettes théoriques : il faut marcher ensemble. Toutefois, pour le faire, nous devons vraiment approcher les pauvres comme des personnes, apprendre à connaître leur vie et acquérir leur vision de la vie. Ce faisant, nous pouvons continuer sur la route parcourue par Jésus de Nazareth lorsqu’il s’est incarné « pauvre parmi les pauvres ». Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons voir le monde du point de vue des pauvres.

Les injustices doivent être reconnues et appelées par leur nom, et il faut étudier leurs causes, afin de promouvoir le changement des structures économiques, politiques et sociales qui les génèrent. Nous devons l’admettre : ce n’est pas une tâche intellectuelle simple de comprendre pleinement les causes structurelles des injustices et des conditions inhumaines dans lesquelles se trouve la majorité des êtres humains. Tant la complexité de la réalité que les conditions de ceux qui la vivent requièrent de notre part un effort original et systématique.

La justice peut être nourrie de la racine de la vengeance ou de la racine de la réconciliation. La justice, fruit de la réconciliation, consiste à restaurer les relations construites sur de mauvaises bases, celles entre les gens, entre les peuples et leurs cultures, avec la nature et avec Dieu. Le pape François écrit dans Evangeliigaudium : « Dans la mesure où il réussira à régner parmi nous, la vie sociale sera un espace de fraternité, de justice, de paix, de dignité pour tous. Donc, aussi bien l’annonce que l’expérience chrétienne tendent à provoquer des conséquences sociales. Cherchons son Royaume : “Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît” (Mt 6,33). Le projet de Jésus est d’instaurer le Royaume de son Père ; il demande à ses disciples : “Proclamez que le Royaume des cieux est tout procheˮ (Mt 10,7) » (EG 180).

La dimension politique reste primordiale pour promouvoir la justice et la réconciliation. Un monde juste et gouverné démocratiquement requiert que nous soyons des citoyens authentiques. Investir dans la formation à la citoyenneté nous aidera à renforcer la démocratie politique, à promouvoir les organisations sociales engagées dans la recherche du bien commun et à endiguer les conséquences néfastes des différentes formes de « néolibéralisme », de fondamentalisme et de populisme. Chaque personne est appelée à être responsable de sa citoyenneté et à s’y éduquer.

Il faut des personnes qui gouvernent en mettant le bien commun au-dessus des intérêts particuliers, même légitimes. D’un point de vue chrétien, devenir un « politicien » signifie écouter et répondre à un appel du Seigneur. Découvrir, promouvoir et former des vocations pour la fonction publique fait partie de la mission de réconciliation et de justice. C’est la politique, avec un « P » majuscule, dont parle François.

Pour la Compagnie de Jésus, la mission de justice et de réconciliation signifie marcher, comme Jésus, avec les pauvres, aider les migrants et les victimes de la traite des êtres humains, contribuer à éliminer tous les types d’abus, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église. Il n’y a pas l’ombre d’un doute, l’injustice structurelle est liée à l’abus de pouvoir, l’abus sexuel et l’abus de conscience. Promouvoir la justice signifie donc contribuer efficacement à éradiquer toutes les formes d’abus.

Le père Pedro Arrupe, missionnaire au Japon et Supérieur général de la Compagnie de Jésus de 1965 à 1983, nous a enseigné que le service de la foi et la promotion de la justice sont deux poumons d’un seul corps : sans la dimension de la foi, l’action deviendrait idéologique ; sans construction de la justice, le témoignage chrétien se limiterait à la gestion du culte. C’est aussi sous ce binôme « foi-justice » que se comprend le pontificat de François.

 

Accompagner les jeunes dans la création d’un avenir d’espérance

Le réseau éducatif ignatien accompagne environ un million d’élèves dans le monde chaque année, si l’on inclut les écoles de Fe y Alegria. Pour la Compagnie, c’est une grande responsabilité de former « des hommes et des femmes avec et pour les autres ». Les jeunes générations évoluent rapidement : un demi-siècle s’est écoulé depuis 1968 jusqu’à aujourd’hui et les jeunes du troisième millénaire, craignant de perdre le peu qu’ils ont gagné par eux-mêmes récemment, ont commencé à revendiquer ensemble leurs droits sociaux. Leur génération pose des questions à l’ensemble du système éducatif et social :Vers quel objectif sont-ils orientés ? Comment les accompagner ? Quel dialogue est possible ?

Notre mission est de préparer avec eux un avenir d’espérance. Les pauvres et les jeunes sont devenus les « lieux théologiques », les crucifix du monde actuel, d’où peut jaillir une vie nouvelle. Le Saint-Esprit nous parle aujourd’hui à travers les jeunes. Cela ressemble à une provocation, puisque la majorité d’entre eux sont des pauvres, et elle nous parle quand nous les accompagnons dans leurs contextes de vie, quand nous nous immergeons dans leurs angoisses et leurs rêves. Nous sommes tous appelés à nous rapprocher des mondes où ils vivent.

Plus que de parler d’un « enseignement » ‑un terme dont l’étymologie rappelle une « mise à l’intérieur » -, l’Église, guidée par François, parie sur l’« éducation » des jeunes, et ce dans le sens le plus élevé de « tirer hors » de leurs ressources, innovations et valeurs.

La dimension de l’expérience est un élément important pour accompagner un jeune. Selon la tradition ignatienne, il faut une formation continue et personnalisée, à l’aide de lectures spirituelles ou d’études choisies, la création de lieux d’écoute, l’engagement au service de la société et des journées de prière et de silence à vivre au cours de l’année pour avoir la possibilité de relire sa vie.

La Compagnie de Jésus a choisi d’écouter les jeunes. Elle leur demande d’être aidés à comprendre la mission par une mise à jour, un upgrade, afin d’être provoquée par leur recherche de foi, leur langage, leurs affections et leurs nouvelles pratiques, pour créer un nouveau sentiment d’appartenance communautaire qui inclut et ne s’arrête pas à ce que les jeunes vivent seuls et sur la toile. L’enjeu est de créer ensemble des « espaces existentiels » où les jeunes sont de véritables protagonistes, apprennent à prendre des décisions et orientent les processus personnels et communautaires.

 

Collaborer aux soins de la maison commune

Le pape François a dit à plusieurs reprises que Laudato si’ (LS) est une encyclique sociale. En fait, il n’y a pas deux crises distinctes : l’une environnementale et l’autre sociale, mais une crise socio-environnementale. L’encyclique nous invite à promouvoir un nouveau modèle de développement humain intégral, car « tout dans le monde est intimement lié » (LS 16).

Ce défi nous appelle à proposer des modèles de vie alternatifs, durables, fondés sur le respect de la création et capables de produire et distribuer des biens avec justice, afin qu’une existence digne soit garantie à tous. Chacun de nous est appelé à relever un double défi : d’une part, contribuer à créer des alternatives au modèle existant qui met en danger la vie de la planète et, d’autre part, témoigner d’un style de vie qui manifeste l’harmonie avec l’environnement. Bien sûr, notre engagement à promouvoir des changements structurels est nécessaire ; mais les « petits changements » ‑ ceux qui affectent nos modes de vie quotidiens tels que l’utilisation du plastique, de l’énergie, le type de transport, le choix des vêtements, etc. ‑ ont aussi urgents.

L’écologie intégrale devient ainsi le paradigme capable de contenir les phénomènes et problèmes environnementaux (réchauffement climatique, pollution, épuisement des ressources, déforestation, etc.) avec tous les autres problèmes de la vie, tels que l’habitabilité et la beauté des espaces urbains, les comportements vertueux, le bon aménagement des villes. Plus encore, l’attention aux liens et aux relations permet de trouver dans l’écologie intégrale une clé pour lire la vie à tous les niveaux, du rapport avec son propre corps (cf. LS 155) aux dynamiques sociales et institutionnelles : « Si tout est lié, l’état des institutions d’une société a aussi des conséquences sur l’environnement et sur la qualité de vie humaine […]. Dans ce sens, l’écologie sociale est nécessairement institutionnelle et atteint progressivement les différentes dimensions qui vont du groupe social primaire, la famille, en passant par la communauté locale et la Nation, jusqu’à la vie internationale » (LS 142).

Pour la Compagnie de Jésus, le soin d’écosystèmes devenus fragiles, comme la vie en Amazonie, en Inde et en Indonésie et dans les bassins du Congo, est un moyen de rendre un culte authentique à l’œuvre créatrice de Dieu.

La citoyenneté universelle se construit à travers une politique supranationale qui privilégie la coopération plutôt que la division, afin que des biens tels que l’eau, l’air, la terre et le climat soient confiés non pas à la gestion des nations individuelles mais aux soins de la communauté humaine universelle.

Depuis son origine, la Compagnie de Jésus a été formée par des jésuites de différentes cultures et nations, appartenant à des États qui étaient en guerre les uns avec les autres. Ce regard universel, qui surmonte les divisions, naît de trois expériences : une profonde amitié avec le Seigneur Jésus, l’étude et le service aux plus nécessiteux. Nous l’expliquons avec deux images, qui sont toujours valables pour nous aujourd’hui.

Sur la place du Collège romain, à Rome, se trouve l’ancien Collège romain fondé par Saint Ignace, où se préparait le clergé du monde entier, et une petite maison, appelée « Sainte-Marthe », où les prostituées étaient accueillies et récupérées. On peut ainsi comprendre ce qu’était la mission pour saint Ignace.

Deuxième image. Quand le pape Paul III a demandé à saint Ignace d’envoyer deux théologiens jésuites au concile de Trente, les pères Lainez et Salmerón se sont distingués non seulement par l’intelligence de leurs contributions théologiques mais aussi pour leur témoignage de vie : ils ont participé aux sessions du Conseil en logeant à l’hôpital pour assister les malades pendant leurs temps libres.

Les quatre préférences apostoliques universelles de la Compagnie sont comme des semences qui, pour germer, nécessitent soins, prière, étude, service, témoignage personnel et de la part de toute la Société. C’est une manière d’être Église que le Pape François connaît, car lui aussi appartient à notre expérience spirituelle. C’est un chemin à parcourir en collaboration et en partage avec d’autres Ordres et Congrégations religieuses, avec les laïcs et avec les mouvements, en dialogue dans un processus dynamique constant et en lien étroit entre nous.

Nous devons être capables de faire prévaloir la communion sur nos différences et de toujours évoluer vers des « frontières » géographiques et intellectuelles. Comme nos deux jambes, les dimensions spirituelles et intellectuelles nous soutiendront tout au long du chemin. Le reste se fera par la collaboration entre nous, dans la fidélité à l’Évangile et aux enseignements du Magistère.

« Dieu qui nous appelle à un engagement généreux, et à tout donner – écrit le Pape dans Laudato si’ – nous offre les forces ainsi que la lumière dont nous avons besoin pour aller de l’avant. Au cœur de ce monde, le Seigneur de la vie qui nous aime tant, continue d’être présent. Il ne nous abandonne pas, il ne nous laisse pas seuls, parce qu’il s’est définitivement uni à notre terre, et son amour nous porte toujours à trouver de nouveaux chemins. Loué soit-il ! »(LS 245).

 

Traduction Sœur Pascale Nau op

 

 

[1] Début 2019, il y avait 15586 jésuites : 11208 prêtres, 1031 frères,  2609 scolastiques et 738 novices.

[2]Ignace de Loyola, S., Exercices spirituels, nº 104.

[3] Dans le Notre Père, nous prions : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».

[4]Cf. François, Exhortation apostoliqueEvangeliigaudium(EG), nº 185.