Position du problème
Les hommes ont toujours pensé que rendre la justice, et donc dire ce qui est juste, dans les jugements comme dans les lois, dans les relations entre particuliers comme dans les relations publiques, ne dépendait pas seulement des règles ou des normes fixées par eux-mêmes, dans leurs actes d’imperium, mais que ces normes tiraient leur validité d’un système de valeurs qui les précédait, et qui leur était donc supérieur.
Il est intéressant d’observer que cette instance de justice supérieure, et donc divine, dérive déjà de la pensée classique, et de ce fait païenne ; Antigone dit déjà au tyran Créon, qui lui interdit d’enterrer son frère : « Et je n’ai pas cru que tes édits pussent l’emporter sur les lois non écrites et immuables des Dieux (agrapha theōn nomima)[1] ». Le dicton du pouvoir, la loi entendue comme commandement, n’est donc pas en soi contraignant s’il ne répond pas à certains contenus, ou – ce qui revient au même – s’il leur est contraire.
La source de ces autres instances a toujours été indiquée comme supérieure au pouvoir constitué comme tel : la justice dans les relations humaines, dans notre monde, a toujours été vue comme le reflet d’équilibres et de proportions qui la dépassent. Ainsi, dans ce que l’on pourrait appeler « le début du droit occidental », le sillon tracé par Romulus avec sa charrue sur les pentes du Palatin pour séparer ses propres bina iugera de celles de son frère est le reflet sur Terre de l’orbite des planètes[2] : la justice comprise comme le juste partage des biens entre les hommes reflète une harmonie céleste ou d’un autre monde, analogue à la tradition du dharma indien[3] ou du fa et du li chinois[4]. Il s’agit évidemment de conceptions compréhensibles dans des systèmes de pensée complètement différents du nôtre, qui expriment néanmoins les mêmes aspirations dans des thèmes, ou des arguments, qui nous sont propres, filles de notre histoire, comme l’équité hier et les Constitutions aujourd’hui.
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