LA PENSÉE DE GASTON FESSARD-Exercices spirituels et actualité historique
Last Updated Date : 19 octobre 2022
Published Date:7 avril 2020

L’œuvre de Gaston Fessard (1897-1978) est d’une puissance spéculative peu banale, mais aussi d’une grande humanité. Entré au noviciat jésuite en 1913, il connut la guerre 14-18 ; jeune soldat, il fut envoyé au front, au fameux « chemin des dames » où les armées françaises et allemandes s’affrontèrent en laissant derrière elles des centaines de milliers de morts (en avril 1917). Cette « expérience » de vie et de mort façonna l’intelligence de Fessard.

Il fit ses années d’études philosophiques à Jersey, une île au large de la Normandie, territoire anglais (les lois françaises de 1905 qui séparaient l’Église et l’État ont imposé cette solution à la Compagnie), où il vécut avec plusieurs compagnons qui devinrent célèbres, Henry de Lubac par exemple. La formation donnée à Jersey n’était pas sans ennuyer ou lasser. La philosophie de Francisco Suarez qui y était enseignée était traditionnelle dans les scolasticats de la Compagnie, mais elle ne parvenait plus à nourrir les jeunes intelligences venues de situations humaines dont les consciences ne pouvaient mettre les drames entre parenthèses. D’ailleurs, les cours étaient devenus éclectiques ; les enseignants étaient peu cohérents les uns avec les autres.

En 1922, avec de Lubac, Fessard entreprit de rédiger une « Esquisse » de programme possible de philosophie. Avec un groupe d’autres étudiants, il s’était mis à parcourir des auteurs habituellement absents des scolasticats. Ils ont ainsi lu ensemble un bon nombre de textes de Maurice Blondel, dont L’Action (1893), ainsi que des ouvrages de Maine de Biran, un auteur venu de l’époque napoléonienne et un maître pour tout ce qui concerne la philosophie comme réflexion rigoureuse.

 

Maine de Biran

La pensée de Maine de Biran a été choisie par Fessard comme sujet d’un mémoire présenté en 1924, à la fin de ses études de philosophie ; ce mémoire, qui n’a été publié qu’en 1937,[1] La méthode de réflexion chez Maine de Biran, appartient à la tradition philosophique typiquement française, proche des requêtes de Blondel ainsi que de beaucoup d’intellectuels de l’époque, Bergson par exemple, tous conscients qu’une réflexion sur l’agir est devenue plus importante et plus urgente que l’épistémologie des sciences et des certitudes théoriques.

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