LA LUTTE CONTRE LES ABUS CONTINUE-Le « rapport Sauvé » et les évêques français
Last Updated Date : 22 mars 2022
Published Date:9 mars 2022

Le 5 octobre 2021, le « Rapport » tant attendu a été publié et présenté à la presse française. Il est le résultat du travail d’une « Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église » (CIASE), présidée par Jean-Marc Sauvé, l’influent ancien président du Conseil d’État. Le rapport avait été commandé deux ans auparavant par la Conférence des évêques de France et la Conférence des religieuses et religieux pour étudier en profondeur l’histoire des abus sexuels sur des mineurs et des personnes vulnérables de 1950 à nos jours[1]. L’écho a été très fort dans les médias français mais aussi dans les médias internationaux ; le public, et les catholiques en particulier, a été choqué, et l’appréciation mais aussi les critiques à l’égard du rapport et de ceux qui l’ont commandé n’ont pas manqué. La Conférence épiscopale et la Conférence des religieux et religieuses ont tenu leurs assemblées en novembre, où elles ont exprimé leurs réactions et pris des mesures opportunes en réponse à de nombreuses recommandations de la Commission[2].

 

Les rapports des commissions « indépendantes »

La Commission Sauvé n’a pas été la première Commission « indépendante » à étudier la question des abus sexuels dans l’Église catholique, et la Conférence des évêques de France n’a pas été la première à confier une étude dans ce domaine à une telle Commission. On peut citer les études réalisées à l’échelle nationale pour le compte des Conférences épiscopales des États-Unis, des Pays-Bas et de l’Allemagne[3], ainsi que celle réalisée en Australie – non seulement sur l’Église catholique mais aussi sur d’autres institutions – par la Royal Commission[4]. Un certain nombre d’autres rapports ont été réalisés sur des diocèses, des régions ou des zones plus spécifiques en Irlande, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique, etc. Chacune de ces études a eu des objectifs et des méthodologies spécifiques ; elles ne sont donc pas facilement comparables entre elles, mais elles ont beaucoup contribué à approfondir la compréhension des problèmes et des mesures à prendre pour les résoudre.

Le travail de la Commission française est remarquable à plusieurs égards, parmi lesquels nous relevons : l’effort de collecte et d’écoute des témoignages des victimes ; l’élargissement de l’étude aux adultes en situation de vulnérabilité ; l’accès large et libre aux archives de l’Église ; l’examen de l’évolution de l’approche de l’Église face à la situation et de son efficacité ; un grand nombre de recommandations (45) sur un large éventail de questions.

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[1] Cf. Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’église (CIASE), Rapport final, in www.CIASE.fr/rapport-final/. Une présentation du rapport et de sa méthodologie par Sauvé lui-même peut être trouvée dans Études, nov. 2021, 67-80.

[2] Cf. Assemblée plénière des évêques de France, Résolutions votées par les évêques de France le 8 novembre 2021 : https ://eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2021/11/APLourdes-nov-2021-Resolutions-votees-en-assemblee-pleniere.pdf.

[3] John Jay Report (États-Unis, 2004 ; 2006 ; 2011) ; Deetman Report (Hollande, 2011) ; MHG Studie (Allemagne, 2018).

[4] Royal Commission Report (Australie, 2017).

[5] Cf. Inserm-Iris-Ehess, « Sociologie des violences sexuelles au sein de l’Église catholique en France (1950-2020) » : www.CIASE.fr/medias/CIASE-Rapport-­5-octobre-2021-Annexe-AN27-Rapport-Inserm-EHESS.pdf.

[6] Cf. N. Bajos – Ph. Portier, « Les enquêtes de la commission Sauvé », in Le Monde, 15 décembre 2021, 34.

[7] Cf. CIASE, « De victimes à témoins. Témoignages adressés à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église » : www.CIASE.fr/medias/CIASE-Rapport-5-octobre-2021-Annexe-AN32-Recueil-de-temoignages-De-victimes-a-temoins.pdf.

[8] Assemblée plénière des évêques de France, Résolutions votées par les évêques de France le 8 novembre 2021.

[9] Cf. D. de Lassus, Risques et dérives de la vie religieuse, Paris, Cerf, 2020. Le livre a été amplement présenté dans ce magazine : Cf. G. Cucci, « Rischi della vita religiosa », Civ. Catt. 2020 IV 557-569.

[10] Nous ajoutons que le rapport traite également de l’abus des religieuses par des membres du clergé. Il est nécessaire de s’attaquer à cette horreur de manière plus décisive que cela n’a été le cas jusqu’à présent. Dans le rapport, et notamment dans l’une des annexes (n° 27), le sujet est bien exposé sur la base d’une série d’entretiens approfondis, bien qu’encore peu nombreux.

[11] Analyse du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église : www.youscribe.com/BookReader/Index/3257401/ ?documentId=4290283.

[12] Nous tenons à souligner la contribution du Père Zollner, sur laquelle reposent plusieurs de nos observations : « Abusi sessuali e confessione, la riflessione e la proposta di padre Zollner », La Stampa (www.lastampa.it/vatican-insider/it/2021/11/13/news/abusi-sessuali-e-confessione-la-riflessione-e-la-proposta-di-padre-zollner-1.40917312), 13 novembre 2021.