LA FRATERNITÉ HUMAINE. Une réflexion sur le Document d’Abou Dhabi
Last Updated Date : 5 février 2021
Published Date:3 juin 2020

Le 4 février 2019, à Abou Dhabi, le pape François et l’imam Ahmad al-Tayyeb ont signé une déclaration commune d’intentions. Le texte du Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune[1] mérite d’être commenté à la fois du point de vue de la théologie catholique et du point de vue des études islamiques[2]. Cependant, il convient tout d’abord de faire quelques observations sur le contexte.

Des textes analogues avaient déjà été signés dans le passé. Parmi eux figurent les déclarations finales des quatre séminaires du « Forum catholique-musulman » tenus en 2008, 2011, 2014 et 2017. Cependant, cette fois-ci, à la différence des textes précédents, la déclaration a été signée non par les délégations mais par le Pape lui-même et par un leader islamique. Il s’agit, donc, de paroles d’une grande densité, et pas seulement quant à leur formulation.

Qui a signé du côté musulman ?

Depuis l’abolition du califat en 1924, il n’y a plus de représentant unique de l’islam ayant la prééminence mondiale (du moins pas dans le monde sunnite). Al-Tayyeb ne l’est donc pas. Il occupe, cependant, l’un des offices islamiques les plus importants : il est le cheikh d’Al Azhar – autrement dit, le Grand Imam de la Mosquée – Université d’Al-Azhar, une institution très influente tant d’un point de vue religieux que d’un point de vue universitaire, qui se trouve au Caire et au cœur d’un réseau éducatif international. L’office du Grand Imam, nommé par le gouvernement égyptien, est une charge à vie.

Al-Tayyeb, né en 1946, termina sa formation classique à l’Université d’Al-Azhar et est titulaire d’un doctorat européen obtenu à la Sorbonne à Paris. Il est devenu un Grand Imam en 2010. À maintes reprises, il a appelé à une modernisation de l’islam. Le fait qu’il parle contre les Lumières et la laïcisation de l’État doit être compris dans le sens que, pour lui, les deux signifient la tentative d’exclure la religion de la sphère publique et à accepter que les leaders gouvernementaux contrôlent les communautés religieuses. Al-Tayyeb est en faveur d’une doctrine islamique plus ouverte, dans son contenu et sa forme : sur ce point, sa position est incontestable, puisqu’il l’a montrée courageusement en accueillant au Caire des rénovateurs de l’Islam pour des consultations, malgré les critiques que cela lui valait déjà.

Un rapport d’amitié s’est établi entre Ahmad al-Tayyeb et le pape François. Nous l’avions déjà vu lors de la visite du Grand Imam au Vatican (le 23 mai 2016) et de la visite du pape au Caire (du 28 au 29 avril 2017).

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