Introduction
Publié en 1968, le livre Men in Dark Times[1] a encore quelque chose à dire à notre époque. Hannah Arendt l’a écrit il y a longtemps, il est vrai, et l’ouvrage consiste en un recueil d’essais consacrés à des personnes qui ont vécu la majeure partie de leur vie durant la première moitié du siècle dernier, à l’exception de Lessing[2].
Pourtant, une lumière brille dans la vie de ces personnes qui nous précèdent : le fait que certaines d’entre elles n’ont jamais perdu leur intégrité dans le contexte difficile dans lequel elles vivaient. C’est pour nous aujourd’hui non seulement un rappel des dangers idéologiques qui nous menacent encore, mais aussi un ferment d’espoir dans une humanité qui, bien que souvent cachée, nous encourage pour l’avenir.
En effet, le monde dans lequel Arendt a vécu avec les personnages dont la vie est un leitmotiv de sa réflexion a été empoisonné par les idéologies totalitaires qui ont marqué le siècle dernier. Dans le contexte qui nous a amené deux grandes guerres et une polarisation idéologique croissante qui s’est poursuivie, dans une certaine mesure, dans l’après-guerre, certains ne se sont pas laissé réduire à être de purs enfants de leur temps. Ce sont les personnes qu’Arendt appelle « les hommes des temps sombres ».
L’une de ces figures est Angelo Giuseppe Roncalli (1881-1963), le simple prêtre dont le destin l’a mystérieusement conduit à la chaire de Pierre. L’essai d’Arendt porte comme titre l’affirmation implicite de l’authenticité chrétienne du personnage : « Angelo Giuseppe Roncalli : un chrétien sur le trône de Saint-Pierre de 1958 à 1963[3] ». Assumant, sans se laisser corrompre, le rôle et même le pouvoir du Siège Pétrinien, qui est propre au poids des institutions, Roncalli a toujours conservé sa foi et son style de vie authentiquement chrétien. À cet égard, Arendt commence par rappeler ce qu’il a entendu de la part des gens simples de Rome qui l’avaient rencontré : « Ce Pape était vraiment un chrétien. Comment est-ce possible ?[4] ».
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