« JE NE SUIS QU’UN ENFANT » Méditation sur les jeunes avec les rois David et Salomon
Last Updated Date : 21 octobre 2022
Published Date:19 août 2018

Peut-on compter sur les jeunes ? N’est-ce pas risqué de donner des responsabilités à ceux qui n’ont pas d’expérience ? Est-ce que ce serait une erreur de faire confiance à un jeune ? Qohelet semble répondre à ces questions quand il dit : « Malheur à toi, pays dont le roi est un gamin (na‘ar) » (Qo 10,16). Le prophète Jérémie, lui aussi, devant la mission que Dieu lui confie, se protège et s’oppose à lui, invoquant son jeune âge : « Ah ! Seigneur Dieu, je ne saurais parler, je suis un enfant (na‘ar) » (Jr 1,6). En raison de sa jeunesse, Jérémie se sent impropre et trop immature pour parler et accomplir la mission prophétique. Le mot hébreu utilisé dans les deux cas, na‘ar, désigne généralement un homme non adulte, un jeune, un adolescent, mais il peut aussi désigner à un garçon et un enfant[1].

Le jeune âge peut-il, pourtant, à lui seul être un signe d’incompétence et d’inadéquation ? Dieu répond aux doutes de Jérémie : « Ne dis pas : Je suis trop jeune. Partout où je t’envoie, tu y vas ; tout ce que je te commande, tu le dis » (Jr 1,7). Ici, comme dans d’autres passages de la Bible, le Seigneur montre que ses propres critères de choix vont au-delà de l’âge civil. Dieu n’agit pas comme un sélectionneur à la recherche de curricula offrant un large éventail d’expériences. Comme le pape François l’a rappelé lors de la récente rencontre présynodale avec les jeunes : « A de nombreux moments de l’histoire de l’Église, comme aussi dans de nombreux épisodes bibliques, Dieu a voulu parler par le biais des plus jeunes […] Dans les moments difficiles, le Seigneur fait avancer l’histoire avec les jeunes[2] ».

Nous verrons, en effet, que le Seigneur ne craint pas de confier le sort de son peuple aux jeunes.

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[1] Cf. L. Alonso Schökel – M. Zappella, Dizionario di ebraico biblico, Cinisello Balsamo (Mi), San Paolo, 2013, 554. La Bible hésite quant au début de l’âge adulte. Dans certains textes, la fin de la jeunesse est fixée à vingt ans (Is 30,14 ; Nm 1,3.18 ; 14,29) ; dans d’autres cas, la jeunesse peut durer jusqu’à vingt-cinq (Nm 8,24) ou même trente ans (Nm 4,3.23 ; 1 Ch 23,3) : Cf. H. F. Fuhs, « na’ar », dans : G. J. Botterweck – H. Ringgren (eds), Grande lessico dell’Antico Testamento, V, Brescia, Paideia, 2005, 926-940.

[2] Francis, Adresse à la rencontre présynodale avec les jeunes : http ://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2018/march/documents/papa-francesco_20180319_visita-pcimme.html.

[3] Cf. J.-P. Sonnet, L’ alleanza della lettura. Questioni di poetica narrativa nella Bibbia ebraica, Rome, Gregorian & Biblical Press, 2011, 146.

[4] Cf. R. Alter, The David Story. A Translation with Commentary of 1 and 2 Samuel, New York, W. W. Norton & Company, 1999, 85.

[5] Pour les traductions possibles de la particule le, cf. L. Alonso Schökel – M. Zappella, Dizionario di ebraico biblico, 408-411.

[6] Cf. R. D. Nelson, I e II Re, Torino, Claudiana, 2010, 40.

[7] Dans la pensée juive, les affections résident plutôt dans les entrailles ou dans l’utérus maternel : Cf. A. Sisti, « Misericordia », dans : P. Rossano – G. Ravasi – A. Girlanda, Nuovo dizionario di teologia biblica, Cinisello Balsamo (Mi), Paoline, 1988, 978-984.

[8] En hébreu, le mot ṭôb a le double sens de « beau » et « bon ». Meir Sternberg a consacré des pages intéressantes au thème de l’ambivalence du « beau » dans les livres de Samuel : Cf. M. Sternberg, The Poetics of Biblical Narrative. Ideological Literature and the Drama of Reading, Bloomington, Indiana University Press, 1985, 354-364.

[9] Dans le récit de Gn 4, Dieu « regarde » l’offrande d’Abel et non celle de Caïn ; de même, dans le cas de Jacob et d’Ésaü, le Seigneur choisit le plus jeune. Par la suite, Joseph sera un prince parmi ses frères, et Gédéon sera établi comme un sauveur sur Israël, bien qu’il soit le plus petit dans la maison de son père (cf. Jg 6).

[10] Cf. M. Gargiulo, Samuele. Introduzione, traduzione e commento, Milan, San Paolo, 2016, 175.

[11] Le mot na‘ar désigne à la fois un domestique, un serviteur, et un jeune garçon : Cf. L. Alonso Schökel – M. Zappella, Dizionario di ebraico biblico, 554.

[12] Il y a deux récits qui introduisent David dans l’histoire d’Israël. Il y a probablement derrière ces récits deux traditions différentes qui ont été préservées dans la Bible. Les deux textes sont importants pour comprendre la signification du personnage David. Selon Robert Alter, 1 S 16 est centré sur l’appel du jeune David par Dieu, qui a toute l’initiative, tandis que 1 S 17 présente une perspective horizontale : le fils de Jesse intervient, parle, se débat, et il ne semble pas y avoir d’action directe du Seigneur (Cf. R. Alter, The David Story, 110 s).

[13] Cf. M. Gargiulo, Samuele, 189.

[14] Sur les liens entre la causalité humaine et la causalité divine dans le récit biblique, cf. Y. Amit, « The Dual Causality Principle and Its Effects on Biblical Literature », Vetus Testamentum 37 (1987) 385-400.

[15] Cf. Gn 28,1-4 et 49,29 ; 2 R 20,1.

[16] Cf. R. Alter, The David Story, 374.

[17] Cf. F. Ficco, «“Sii forte e mostrati uomo”. La paternità di Davide in 1 Re 1–2», Rivista Biblica 57 (2009) 257-272.

[18] Cf. J. T. Walsh, 1 Kings, Collegeville, The Liturgical Press, 1996, 72.

[19] A la prière de Salomon en 1 Rois font écho les paroles du fils de David dans la livre de la Sagesse : « J’ai prié, et l’intelligence m’a été donnée. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas mise en comparaison avec les pierres précieuses ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Je l’ai aimée plus que la santé et que la beauté ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas » (Sg 7,7-10).

[20] Dans le dernier verset, la traduction littérale est « un cœur qui écoute ». La version CEI 2008 traduit plus librement : « un cœur docile ».

[21] Cf. M. Cogan, I Kings : A New Translation with Introduction and Commentary, New York, Doubleday, 2001, 186.

[22] Cf. M. Cogan, I Kings, 188.