INTERPRÉTER LA RÉALITÉ
Last Updated Date : 14 octobre 2022
Published Date:28 février 2021

Ce texte inédit peut être daté entre la fin de 1987 et le milieu de 1988, lorsque le P. Bergoglio travaillait à sa thèse sur Romano Guardini et se préoccupait de la question de l’utilisation de l’analyse marxiste pour interpréter la réalité en tant qu’exemple de l’utilisation de catégories obsolètes, qui se sont avérées dépassées par la réalité[1]. Il s’agit d’un manuscrit de notes destiné à une étude ultérieure.

L’article d’Alberto Methol Ferré, que Bergoglio cite au début, réfléchit sur la manière dont, depuis l’avènement du monde industriel, à partir de la Révolution française, l’Église a résolument posé la question des relations avec la classe ouvrière. Au début du XIXe siècle, avec Philippe Buchez[2], naît un socialisme catholique, qui sera ensuite étouffé par le mouvement de tenaille de l’intégrisme intra-ecclésiastique et du marxisme athée. Methol Ferré propose de revenir aux sources du socialisme, né éthique et chrétien, une fois que seront également dépassés le marxisme dogmatiquement athée et, grâce au Concile Vatican II, cette attitude de l’Église qui consiste à critiquer le monde contemporain sans en reconnaître les progrès.

Bergoglio se concentre sur « l’épuisement des catégories d’interprétation de la réalité », dont parle Methol Ferré, et développe ces notes, dans lesquelles il présente une ébauche d’une « herméneutique de la réalité » dans laquelle les critères et les catégories ne sont pas de simples « rustines ». Cette catégorie, ainsi que celle de « débordement » (« rebasamiento »), est devenue importante depuis le Synode pour l’Amazonie[3].

Les notes de Bergoglio sont particulièrement intéressantes en ce qui concerne la méthode et le contenu. Peut-être certains seront-ils surpris par un style d’argumentation complexe qui n’est certainement pas celui du pape Bergoglio. Quant à la méthode, elle nous permet d’entrevoir un style de pensée personnel de Bergoglio qui s’inspire de divers auteurs et est capable, en même temps, de développer ses propres éléments de manière originale. Quant au contenu, dans le raisonnement, il est possible de suivre l’application de ses fameux « quatre principes[4] ». L’idée que la meilleure méthode est celle qui s’adapte le mieux (« consonance ») à la réalité est inspirée par Guardini. La fusion de l’antinomie comme moyen d’exprimer poétiquement une réalité qui dépasse notre intuition et nos concepts et exige une explication créative est propre de Bergoglio. La théorie de Methol Ferré s’avère valable au moment où nous devons interpréter le peuple et embrasser la modernité d’une manière qui soit à la fois traditionnelle et nouvelle.

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