Saint Luc a écrit deux livres qui sont étroitement liés entre eux : l’Évangile et les Actes des Apôtres. Entre ces deux textes, au-delà des parallèles théologiques, il existe de nombreuses similitudes verbales[1]. Cependant, une exception apparente surprend parfois. Dans les Actes, à la fin du discours de saint Paul à Milet, un dit en forme de maxime est solennellement attribué à Jésus. Ce grand discours d’adieu, que Paul adresse à ses frères chrétiens, se conclut par les paroles : « De toute manière je vous l’ai montré : c’est en peinant ainsi qu’il faut venir en aide aux faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35).
La surprise est totale, d’abord parce que Paul n’a pas l’habitude de citer Jésus (ni chez Luc ni dans ses lettres), mais aussi parce que le lecteur ne se souvient pas d’avoir lu cette maxime dans l’Évangile. La première question soulevée par cette béatitude est liée à son origine : vient-elle, oui ou non, du Seigneur ?
Le lecteur qui a confiance en Luc n’a aucune raison d’en douter, mais une autre question se pose : pourquoi Luc ne l’a-t-il pas intégrée dans son Évangile ? Le contenu de la maxime soulève également des interrogations. Le Jésus lucanien dit en substance : « Heureux le donner plus que le recevoir. » La réflexion sur le don, suite à l’article – qui fit date en 1923 – de l’anthropologue Marcel Mauss (Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques), est devenue un aspect fondamental de l’anthropologie et de la philosophie contemporaine. Sur le plan social, dans notre société libérale et consumériste, reste-t-il ou non un espace pour le don ? Et, sur le plan individuel, est-il encore possible, après Freud, de penser qu’une véritable gratuité puisse exister entre les hommes ? Le don n’est-il pas qu’une illusion ? L’enjeu lié à cette maxime est donc double : Luc nous a-t-il conservé une parole du Seigneur qui était restée jusque-là inconnue ? Et cette dernière peut-elle trouver ou non un écho dans la réflexion anthropologique actuelle ? Il est intéressant d’approfondir ces deux points.
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