DESMOND TUTU (1931-2021) : Spiritualité, révolution et réconciliation
Published Date:1 juillet 2022

Desmond Tutu, archevêque anglican émérite du Cap, décédé le 26 décembre 2021, a marqué une étape importante dans l’histoire de la « lutte de l’Église » œcuménique contre l’apartheid en Afrique du Sud[1]. Une ère qui a commencé plus ou moins à la fin des années 1950, a pris de l’ampleur dans les années 1960 et a atteint son apogée dans les jours passionnants des années 1980, lorsqu’a pris forme une large coalition d’associations communautaires, de syndicats et d’organisations religieuses, opérant parallèlement aux mouvements de libération établis tels que le Congrès national africain (ANC), le Congrès panafricain (PAC) et le Parti communiste sud-africain (SACP). Finalement, cette action conjointe a contraint le gouvernement du Parti national à négocier une transition vers la démocratie, qui a été atteinte en 1994.

Certains personnages clés de cette époque ont aujourd’hui disparu, comme Denis Hurley, l’archevêque catholique de Durban, et le théologien réformé néerlandais C. F. Beyers Naudé ; d’autres, comme le pasteur Allan Boesak et le dominicain Albert Nolan, sont maintenant à la retraite ou presque. En particulier, la période durant laquelle les Églises chrétiennes ont adopté une position commune et de principe, en collaborant avec des personnes de toutes les confessions, ou agnostiques, et ont contribué à faire tomber un mauvais régime pour créer un État démocratique, appartient désormais au passé.

Desmond Tutu a été l’une des figures clés[2], et il a joué un rôle fondamental, car à bien des égards, ses convictions et sa personnalité ont traversé les frontières confessionnelles protestantes et catholiques entre théologie traditionnelle et théologie de la libération, entre engagement révolutionnaire et esprit de réconciliation. La révolution et la réconciliation étaient enracinées dans sa théologie (biblique, anglicane, noire et africaine), qui à son tour était ancrée dans la spiritualité qui était le fruit de sa vie extraordinaire. Cet article, sous la forme d’une courte biographie, tentera d’explorer les liens entre ces aspects et la vie de Tutu[3].

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[1] Cf. J. W. de Gruchy – S. de Gruchy, The Church Struggle in South Africa, Londres, SCM, 2005 ; C. Villa-Vicencio, Trapped in Apartheid, Maryknoll, Orbis Books, 1988 ; P. Walshe, Prophetic Christianity and the Liberation Movement in South Africa, Pietermaritzburg, Cluster Publications, 1995.

[2] Parmi les biographies de Tutu, Cf. S. Du Boulay, Tutu : Voice of the Voiceless, Londres, Penguin, 1989 ; J. Allen, Rabble-Rouser for Peace : The Authorised Biography of Desmond Tutu, Londres, Rider, 2006 ; S. D. Gish, Desmond Tutu : A Biography, Westport, Greenwood Press, 2004.

[3] Des parties de cet article ont été publiées dans la revue jésuite America : Cf. A. Egan, « A South African Jesuit remembers Archbishop Desmond Tutu », America : www.americamagazine.org/politics-society/2021/12/27/desmond-tutu-jesuit-catholic-242126), 27 décembre 2021.

[4] Cf. A. Wilkinson, The Community of the Resurrection : A Centenary History, Londres, SCM, 1992.

[5] Nous n’hésitons pas à utiliser les termes que Tutu, Huddleston et la Communauté de la Résurrection utiliseraient.

[6] Cf., en particulier, S. Du Boulay, op. cit., 60.

[7] Cf. P. Denis – G. Duncan, The Native School that Caused All the Trouble : A History of the Federal Theological Seminary of Southern Africa, Pietermaritzburg, Cluster Publications, 2011.

[8] Cf. S. Biko, I Write What I Like, Chicago, University of Chicago Press, 2002.

[9] Autodénomination d’une communauté composée de plusieurs millions de personnes aux origines mixtes : européennes, asiatiques et africaines.

[10] « Open Letter to Mr. John Vorster (6 May 1976) », dans : D. Tutu, Hope and Suffering : Sermons and Speeches, Grand Rapids, W. B. Eerdmans, 1984, 28-36.

[11] D. Tutu, « Steve Biko – A Tribute », dans : Id., Crying in the Wilderness : The Struggle for Justice in South Africa, Grand Rapids, W. B. Eerdmans, 1982, 62 s.

[12] Cf. J. W. de Gruchy – S. de Gruchy, op. cit. ; P. Walshe, op. cit.

[13] Pour une comparaison entre SACC et SACBC, cf. T. A. Borer, Challenging the State : Churches as Political Actors in South Africa, 1980-1994, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1998.

[14] D. Tutu, « In Defense of the SACC », dans : Id., Crying in the Wilderness, 51 s.

[15] Id., Discorso per l’assegnazione del premio Nobel per la pace, 11 décembre 1984 : www.nobelprize.org/prizes/peace/1984/tutu/lecture.

[16] P. B. Hinchliff, The Anglican Church in South Africa : An Account of the History and Development of the Church of the Province of South Africa, Darton, Longman & Todd, 1963.

[17] Cf. A. Cowell, « Bishop Tutu Saves Man from Crowd », dans : The New York Times (www.nytimes.com/1985/07/11/world/bishop-tutu-saves-man-from-crowd.html), 11 juillet 1985. Le « collier de feu » était une torture qui consistait à faire passer un pneu au-dessus de la tête et autour des bras d’une personne, puis à y mettre le feu.

[18] Cf. Truth and Reconciliation Commission of South Africa, Report of the Truth and Reconciliation Commission, 7 vols, Cape Town, Juta & Co, 1998 ; E. Doxtader – C. Villa-Vicencio (éds), To Repair the Irreparable : Reparation and Reconstruction in South Africa, Cape Town, David Philip, 2004 ; C. Villa-Vicencio – W. Verwoerd (éds), Looking Back, Reaching Forward : Reflections on the Truth and Reconciliation Commission of South Africa, Cape Town, University of Cape Town Press, 2000.

[19] Cf. D. Tutu, No Future Without Forgiveness, New York, Doubleday, 1999 (en ital. Non c’è futuro senza perdono, Milano, Feltrinelli, 2001).

[20] Ibid., 265.

[21] D. Tutu – M. Tutu, Made for Goodness : And why this makes all the difference, Londres, Rider, 2012.

[22] Cf. J. Habgood, The Concept of Nature, Darton, Longman & Todd, 2002.

[23] D. Tutu, No Future Without Forgiveness, 267.