La Lettre du pape François au Peuple de Dieu[1] marque un moment décisif dans la vie de l’Église. Cette lettre, considérée avec celle que le Pape adressa à la Conférence épiscopale du Chili en avril[2], est un exemple de leadership inspiré qui possède toutes les caractéristiques pastorales, concrètes, spirituelles et prophétiques de son pontificat. Le pape dénonce les « profondes blessures faites de douleur » chez les victimes et dans l’Église, conséquences des abus sexuels perpétrés par des prêtres, des évêques et des cardinaux, et appelle à une conversion radicale de l’attitude qu’il appelle « cléricalisme ». C’est un devoir qui ne peut être accompli que par tout le peuple de Dieu.
Ces derniers mois, le fardeau inexorable de la souffrance causée par les abus sous toutes les formes commis dans l’Église est venu au grand jour, en même temps que le fait que l’Église a agi – quelles que soient les raisons – de connivence avec les harceleurs pour tenter de faire taire les victimes et cacher la vérité. Comment un groupe qui fait partie de l’Église a-t-il pu penser que sa propre protection, considérée comme un service rendu à Dieu, était plus importante que de reconnaître l’ampleur de la douleur et du scandale des vies détruites, des vies de fidèles innocents ? Comment l’Église pouvait-elle protéger la dignité de la personne humaine et prétendre être celle qui défend les pauvres et ceux qui sont sans défense, être la voix des sans-voix et la mémoire des oubliés, alors qu’elle-même étouffait habilement, comme n’importe quel état laïc, le cri de ceux qu’elle disait aimer et honorer ? Si la justification était d’empêcher le scandale de miner la foi du Peuple de Dieu, qui devait être « protégé », l’Église ou la « caste » cléricale ? C’est dans ce contexte et avec ces questions légitimes que le pape François a écrit sa Lettre au peuple de Dieu.
Certains peuvent penser que ce ne sont que des paroles pieuses, qui jettent le doute sur l’adéquation de l’appel à la pénitence et à la prière devant l’énormité de la crise et l’ampleur de la douleur qu’elle a causée et continue de causer. Pourtant, par ses actions, François s’est montré peu habitué à la rhétorique. La lettre écoute le cri des victimes, trop longtemps étouffé, réduit au silence ou nié, et parle de la vérité des abus commis dans l’Église signalés par le rapport du tribunal de Pennsylvanie. Ce serait une erreur de penser que de tels abus peuvent être localisés en Amérique du Nord, au Chili, en Grande-Bretagne ou en Europe. La lettre du Pape n’est pas une stratégie politique, un aveu de culpabilité fait dans l’espoir que le sujet puisse être dédramatisé, contenu et oublié, une fois que l’attention du public sera distraite par le prochain scandale ou un nouvel événement.
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