La tentation du triomphalisme – le christianisme sans la croix – et sa forme plus subtile – la mondanité spirituelle – est difficile à reconnaître. S’il y a un thème qui revient avec une fréquence particulière dans le magistère de Bergoglio-François, c’est bien celui-là[1]. Dans l’exhortation apostolique Evangelii gaudium, François l’a mis noir sur blanc en prononçant le « non à la mondanité spirituelle ». L’alternative est entre une Église en mouvement pour évangéliser le monde et une Église envahie par la mondanité spirituelle : « C’est une terrible corruption sous l’apparence du bien. Il faut l’éviter en mettant l’Église en mouvement de sortie de soi, de mission centrée en Jésus Christ, d’engagement envers les pauvres. Que Dieu nous libère d’une Église mondaine sous des drapés spirituels et pastoraux ! Cette mondanité asphyxiante se guérit en savourant l’air pur du Saint-Esprit, qui nous libère de rester centrés sur nous-mêmes, cachés derrière une apparence religieuse vide de Dieu » (EG 97).
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[9] Comme le dit le proverbe, « Dieu punit l’orgueil caché par une luxure manifeste ».
[10] « Le Saint-Esprit souffle sans doute où il veut et quand il veut. […] Toutefois, je suis personnellement impressionné par le fait que ce phénomène s’accompagne parfois d’un certain triomphalisme. Et le triomphalisme, en vérité, ne me convainc pas. Je me méfie de ces manifestations de fécondité presque “in vitro” ou de ces manifestations ou messages triomphalistes selon lesquels le salut est ici ou là… » (François, La forza della vocazione. Conversazione con Fernando Prado, Bologna, EDB, 2018, 44).
[11] Ce titre est inspiré par Romano Guardini, qui parle de la tension polaire entre le silence et la parole, loin des extrêmes du silence et du bruit. (cf. R. Guardini, Etica, Brescia, Morcelliana, 2021).
[12] J. M. Bergoglio, « Silencio y Palabra », in Reflexiones espirituales, Buenos Aires, USAL, 1992, 19. Maintenant dans Francesco, « Silenzio e parola », dans : Id., Non fatevi rubare la speranza, Milan, Mondadori, 2013, 85.
[13] A. Ivereigh, Tempo di misericordia. Vita di Jorge Mario Bergoglio, Milan, Mondadori, 2014, 241.
[14] D. Fares, « Contro lo spirito di “accanimento”«, dans : J. M. Bergoglio-François, Lettere della tribolazione, Milan, Àncora, 2019, 71.
[15] Cf. J. M. Bergoglio, « Silenzio e parola », 98.
[16] L’élément clé de son discernement est que le triomphalisme est une tentation qui a l’apparence du bien. Comme il possède une clarté qui s’impose d’elle-même (au moins dans le point culminant de son récit), nous ne sommes pas tenus de lui opposer plus de lumière (c’est-à-dire de contrer une formule triomphaliste par d’autres idées), mais de prendre notre temps. Puisqu’il s’agit de la lueur d’un éclair, et non de la douce lumière de Dieu, nous devons attendre que l’éclair éblouissant disparaisse.
[17] J. M. Bergoglio, « Silenzio e parola », 90.
[18] Ibid., 91.
[19] Ibid., 94.
[20] Ibid., 97.
[21] « De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant : “Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui !” » (Mt 27,41-42).
[22] Dans Dante, par exemple, le péché originel et le désir d’Adam et Eve d’être comme Dieu sont liés. S’approprier ce qui n’est pas à soi, c’est l’hybris.
[23] J. M. Bergoglio, Discours prononcée dans l’église de la Compagnie de Jésus à Mendoza le 23 août 1985, dans le cadre de la commémoration du IVe centenaire de l’arrivée des jésuites dans ces terres. Maintenant dans Id., Cambiamo !, 267.
[24] A. Awi Mello, María – Iglesia. Madre del pueblo misionero, Dayton, Marian Library, 2017, 213.
[25] J. M. Bergoglio, « Silenzio e parola », 100.
[26] Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris Mater, nº 17.
[27] François, Homélie pour le Dimanche des rameaux, 14 avril 2019.
[28] Cf. J. M. Bergoglio, « Servicio de la fe y promoción de la justicia. Algunas reflexiones acerca del decreto IV de la CG 32 », Stromata, nos 1/2, 1988, 7-22. La phrase citée de St Augustin provient de De pastoribus, Discours 46, 13.
[29] Ibid., 20.
[30] Ibid., 106.
[31] Cf. ibid., 106 s. Dans la Bible, Lucifer est caractérisé par l’hybris de « s’élever plus haut que le Très-Haut » et de tomber rapidement. « Le Dragon, lui aussi, combattait avec ses anges, mais il ne fut pas le plus fort […] Il fut jeté sur la terre » (Ap 12,7-9). Le Seigneur déclare dans l’Évangile de Luc : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair » (Lc 10,18). L’origine de tous les péchés est l’orgueil. Les saints Pères et théologiens appliquent typologiquement au péché du diable la phrase qu’Israël prononce dans sa rébellion contre Dieu : « Je ne veux pas servir ! » (Jr2,20).
[32] Cf. François, Homélie de la messe du Jeudi saint, 2 avril 2015.
[33] François, « Silenzio e parola », 99.
[34] « Quand nous choisissons l’espérance de Jésus, nous découvrons peu à peu que la façon gagnante de vivre est celle de la semence, celle de l’amour humble. Il n’y a pas d’autre voie pour vaincre le mal et donner de l’espérance au monde » (François, Audience générale, 12 avril 2017).
[35] François, « Silenzio e parola », 99.
[36] Ibid., 100.
[37] Le texte intégral du manuscrit remis par Bergoglio au Cardinal Jaime Ortega, évêque de La Havane (Cuba), est paru dans Clarín du 26 mars 2013 (www.clarin.com/mundo/texto-manuscrito-entregado-bergoglio-ortega_0_By2WJpYsP7e.html). Au cardinal Ortega, qui le lui avait demandé, Bergoglio a remis un texte manuscrit reprenant les quatre points de son bref discours aux cardinaux. Dans le troisième point, il souligne – concrètement – précisément l’expression « mondanité spirituelle » et cite Henri de Lubac.
[38] François, « La libertà ci fa paura », Civ. Catt. 2021 IV 14.
[39] Id., Discours à l’occasion du temps de réflexion pour le début du parcours synodal, 9 octobre 2021.
[40] Cf. Id., Conférence de presse pendant le vol de retour de Bratislava, 15 septembre 2021.
[41] Id., Discours à l’occasion du temps de réflexion pour le début du parcours synodal.
