« Manifester l’amour salvateur de Dieu offert en Jésus-Christ à toute la création », telle est la mission de l’Église qui implique donc nécessairement des conséquences dans les différentes sphères de la vie humaine, de l’économique au social en passant par la famille, la politique, l’écologie. La dimension sociale de l’Évangile est intrinsèque à cet Évangile et, pour paraphraser Henri de Lubac, on peut dire que parler de Christianisme social devrait toujours apparaître comme un pléonasme. Dans la tradition catholique, cette dimension sociale de l’Évangile s’est trouvée explicitée de manière particulière dans un corpus magistériel initié en 1893 par l’encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII et sans cesse enrichi depuis par ses successeurs. Laudato si’ en 2015 et Fratelli tutti en 2020, du pape François, en sont les dernières actualisations.
Un récent document de doctrine sociale de l’Église orthodoxe, approuvé par le saint Synode de l’Église de Constantinople, est particulièrement stimulant et enrichissant pour un catholique. Dans ses thématiques et dans ses axes de fond, Pour la vie du monde, Vers un ethos social de l’Église orthodoxe (PVM) est en harmonie avec la doctrine sociale catholique mais met en avant, sur le fond et sur la forme, des accents et des nuances, des sources et des manières de raisonner, différentes et parfois nouvelles pour le lecteur catholique. En cherchant à identifier quelques-unes de ces différences, les catholiques peuvent grandement s’enrichir. Toute doctrine sociale de l’Église, qu’elle soit ancrée à Rome ou à Constantinople, est bien en effet théologie au sens de déploiement du mystère du salut.
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Récemment, en France, le Haut Conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), en vue de la révision annoncée de la Constitution, a proposé de remplacer, dans la devise nationale de la République, le mot fraternité par adelphité, mot qui dérive du grec et qui signifie « fraternité », mais privé de la connotation masculine propre au terme précédent. D’autres, pour éviter le néologisme, proposent simplement la solidarité. Et la controverse entre ceux qui sont en faveur et ceux qui s’opposent à l’une ou l’autre proposition n’a pas tardée.
Convaincus par le débat que suscite ce mot, nous voulons réfléchir à sa signification par le fait que dans un récent message à Madame la professeure Margaret Archer, présidente de l’Académie pontificale des Sciences sociales, le Pape François a précisément rappelé les trois principes directeurs de la Révolution française : liberté, égalité, fraternité. Ce sont trois idéaux, que les êtres humains ont longtemps désirés, proposés ensemble, même s’ils n’ont pas été réalisés simultanément. On pourrait dire qu’à la fin du dix-huitième siècle un processus de grande importance a commencé dans l’histoire de l’Occident. Dans ce processus de manifestation et de concrétisation des trois idéaux, la fraternité a sans doute été la moins développée et – souligne François – a fini par être annulée par le lexique politico-économique. Cependant, c’est précisément le principe qui devrait régir toutes les propositions de la Révolution.
On peut dire, reprenant une belle expression d’Henri Bergson, que liberté et égalité « sont deux sœurs qui se battent » et qu’à la fin elles ont besoin de quelqu’un pour faire des arrangements entre elles. C’est la fonction de la fraternité. Ces idéaux, longtemps désirés et réalisés après beaucoup de souffrances, ont en réalité produit de nouvelles formes d’inégalité et d’esclavage, dues à l’absence de la fonction régulatrice de la fraternité, longtemps négligée. Le problème crucial est que des formes authentiques de fraternité surgissent « d’en bas », de ceux qui se sentent frères et expriment cette relation dans une égalité et une liberté qui respecte les différences et les besoins de l’autre.
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