À quoi peut-on comparer la vie chrétienne ? À un sprint ou à une course de fond ? Dans ses lettres, Paul emploie l’image de la course : « Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter » (1 Co 9,24). L’image était extrêmement familière pour le monde antique et en particulier pour les Corinthiens qui organisaient les jeux isthmiques (cf. aussi Ga 2,2 et Ph 2,16). Mais tout chrétien doit-il être un athlète ? La vie chrétienne consiste-t-elle en une longue course jusqu’à la victoire finale ?
Nous aimerions revenir sur cette image familière et sur la façon dont les chrétiens se représentent leur vie spirituelle dans une société marquée par le burn-out et la fatigue. En effet, nombreuses sont les études qui soulignent combien notre société contemporaine est marquée par un épuisement croissant des individus. Ils semblent engagés dans une course folle contre le temps et dans l’autodéfinition d’eux-mêmes qui les épuisent et les fragilisent. Sommés de devenir eux-mêmes et lancés dans une fuite en avant éperdue, ils manquent de repos et de silence, de contemplation et de temps pour recevoir la vie comme un don. Et les chrétiens ne sont pas immunisés contre ces travers. Une chose pourtant distingue les chrétiens de leurs contemporains : ils ont pour modèle un homme appelé Jésus. Certes, il est aussi leur Dieu – et par là inimitable – mais sa vie est sans cesse méditée et contemplée. Et Saint Paul écrit : « Imitez-moi, comme moi aussi j’imite le Christ » (1 Co 11,1). Mais cet exemple a-t-il toujours un effet positif ?
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Dans l’œuvre Apología del Cuerpo, Victor Pourcel déclare : « Nous sommes convaincus que, parmi toutes les choses sur la terre, la première qu’il faut révéler est la mystique du corps, car elle est la plus inconnue et la plus proche de nous. Nous vivons avec notre corps et à travers notre corps ». Le sens de cette mystique renvoie à la relation avec Celui qui s’est incarné et a vécu en plénitude la corporéité humaine. Cependant, bien que cette mystique soit « proche », elle reste en quelque sorte « inconnue ». On peut alors se demander si le corps humain peut être une voie d’accès à Dieu et, en sens inverse, s’il peut représenter un moyen par lequel Dieu communique avec nous.
Cette question du rapport entre le corps et Dieu a été soulevée par le christianisme, conscient que Dieu lui-même s’est fait chair. Dans cette ligne, Irénée de Lyon et Tertullien se sont opposés au gnosticisme, qui considérait le corps et la matière comme mauvais et méprisables. Malgré cette position des Pères, le christianisme – qui n’a pas directement suivi les hérésies gnostiques – a gardé dans sa réflexion théologique une ligne proche de la théorie métaphysique platonicienne. Or, cette dernière postulait essentiellement un dualisme entre deux mondes : d’une part, le monde sensible et, de l’autre, le monde spirituel ou métaphysique.
Dans la philosophie platonicienne, l’âme se rapporte directement au divin. Quant au corps, réduit à n’être que le simple support nécessaire de l’âme, il a depuis longtemps perdu de l’importance dans la réflexion théologique. Paradoxalement, c’est l’Évangile de Jean, avec son langage – en particulier dans le prologue – et son style proche de l’hellénisme, qui rompt, froidement et péremptoirement, avec une métaphysique de l’immatérialité, en affirmant que Jésus est le Logos fait chair. « En d’autres termes, et en cela consiste sa théologie sur le Christ, [Jean affirme] que Jésus est la Parole de Dieu faite chair. Il ne dit pas, du moins pas formellement, qu’il est devenu homme ou même s’est fait un corps, mais il dit crûment qu’il s’est fait chair (sarx egeneto / caro factum est) ».
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