L’œuvre la plus célèbre de Gunther Anders, disciple de Heidegger, s’intitule L’Obsolescence de l’homme : pour le philosophe allemand, l’homme est désormais un être obsolète, car les productions de la technique lui permettent d’accomplir toute tâche beaucoup mieux que lui. Anders l’avait prédit il y a plus de 60 ans, sans imaginer jusqu’à quel point les nouvelles découvertes informatiques allaient réaliser ses intuitions, au-delà de toute attente.
Avec le numérique, c’est désormais l’homme lui-même qui est changé grâce à l’installation d’accessoires qui améliorent ses performances, ou à l’aide de l’intelligence artificielle qui peuvent lui garantir une performance potentiellement illimitée. C’est ce qu’on appelle « l’ère du cyborg », du transhumanisme ou du posthumanisme : l’homme devient l’objet de la technique, qui modifie sa nature. Il ne s’agit pas d’une vision élaborée avec précision, mais plus que toute autre chose, de variations sur le thème de la dimension technologique : elle peut être comprise comme la conception selon laquelle la machine, et non l’homme, est le critère de référence, inversant ainsi le rapport d’évaluation. L’idéal est de se libérer de la dimension biologique afin de prendre toujours davantage les caractéristiques technologiques comme modèle.
Le transhumanisme devient ainsi le mouvement définitif de libération des limites imposées par la nature, atteignant sa forme pleine, redéfinissant radicalement le statut humain : « Ce que le posthumanisme entend comme brisé et désormais dépassé est un modèle d’homme emprunté et définissable avec des caractéristiques générales : selon les posthumanistes, les définitions de l’homme telles qu’animal rationnel ou l’union du corps et de l’âme ou la créature sensible ne sont plus valables ».
|