L’être humain a-t-il un corps ou est-il un corps ? La philosophie, en particulier la phénoménologie, est le domaine d’étude qui a le plus traité de cette question. Cependant, la théologie aussi a beaucoup à dire et doit approfondir la question à partir du dialogue avec les données philosophiques, car, parmi d’autres raisons, le christianisme est la religion du Corps du Christ. « C’est en l’homme. C’est en l’entier de l’homme. Pas seulement l’esprit, mais aussi le corps. Pas le corps séparé, mais la chair comme présence, parole, esprit. C’est en tout ce qui habite l’homme, y compris l’obscur et l’en-bas, repris, transfiguré, transmué ». Maurice Bellet présente ainsi ce que l’on pourrait dire de la présence divine dans le corps ; cependant, le fait de percevoir le rapport entre le divin et l’humain n’est pas nouveau, car – comme on le sait – le christianisme a marqué un tournant dans la manière de concevoir Dieu et l’être humain. Si aujourd’hui l’incarnation de Dieu suscite encore le scandale, elle en a suscité encore plus au début du développement de la pensée chrétienne : comment pouvait-on penser que le Logos, le Sauveur, puisse s’incarner, conditionnant ainsi tout ce que signifie « être humain » ?
Les Pères de l’Église ont consacré beaucoup de temps à faire l’apologie de la vision chrétienne authentique, en particulier pour justifier de grandes nouveautés telles que l’incarnation et la résurrection du Fils de Dieu. Dans cette étude, nous ne traiterons pas de l’apologétique en général ni des différents Pères de l’Église : nous essayerons plutôt de montrer comment la réalité corporelle, en particulier l’essence charnelle de l’humanité que le Fils de Dieu a assumée en naissant des entrailles d’une femme, constitue la totalité de l’être humain. Ainsi, en nous éloignant d’une anthropologie dualiste qui maintient la séparation entre le corps et l’âme, nous en viendrons à percevoir, à partir de la pensée d’Irénée de Lyon et de Tertullien, l’importance de la chair comme porteur de la vie divine.
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