La tempérance se trouve à la quatrième place dans le classement des vertus cardinales. Elle est dernière, non par ordre d’importance, mais parce qu’elle touche à la dimension intime de l’être humain, tandis que les autres vertus qui concernent le bien commun. Pourtant, c’est précisément à cause de cela qu’elle est indispensable à l’action vertueuse, qui est conditionnée par la droiture de la personne : « La prudence regarde la réalité concrète de tous les êtres ; la justice règle les rapports avec les autres ; par la force, l’homme, s’oubliant lui-même, sacrifie les biens et la vie. La temperance, en revanche, est ordonnée à l’homme lui-même […]. Tempérance signifie : considérer soi-même et sa propre condition, diriger son regard et sa volonté sur soi-même ». La tempérance a un caractère réflexif ; elle revient vers le sujet et le façonne, apportant une harmonie intérieure entre la sensibilité, l’intellect et la volonté, et permettant à la personne d’exprimer tout son potentiel.
Cette vertu était très appréciée dans le monde antique, comme on peut le constater par un simple examen des termes. Le mot grec enkrateia vient de la racine krat (pouvoir, domination, gouvernement, autorité) combinée à en (soi). La tempérance est la capacité de se gouverner soi-même, de maîtriser sa sensibilité et ses pensées ; elle est l’aboutissement d’un parcours de connaissance et de modelage de soi, l’idéal par excellence de la philosophie antique – redécouvert récemment surtout par Michel Foucault et Pierre Hadot –, idéal ensuite perdu au cours de la modernité.
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