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LE DOUTE : PIÈGE OU OPPORTUNITÉ ?
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Le doute peut être considéré comme le mot d’ordre de l’homme moderne, la prémisse nécessaire à la construction d’une pensée sûre, critique, bâtie à l’aide de la seule raison, sans référence à une autorité ou à des traditions qui pourraient pénaliser la liberté et l’autonomie. Descartes est naturellement l’auteur de référence : selon lui, le doute est très utile, car « il nous délivre de toutes sortes de préjugés, et nous prépare un chemin très facile pour accoutumer notre esprit à se détacher des sens, et enfin, en ce qu’il fait qu’il n’est pas possible que nous ne puissions plus avoir aucun doute, de ce que nous découvrirons après être véritable ».

Mais cette promesse enjôleuse ne se réalisera pas. Sans une certitude préalable, à laquelle il faut en quelque sorte faire confiance — par exemple, la valeur de la raison et sa capacité à connaître la vérité —, le doute ne prépare absolument pas « un chemin très facile » ; et, au lieu de disparaître, il prend de plus en plus d’ampleur, jusqu’à devenir un cauchemar qui, comme dans la légende du roi Midas, rend confus et incertain tout ce qu’il touche. Descartes lui-même est contraint de le reconnaître, faisant remarquer que le doute indiscriminé risque de tout emporter : non seulement il n’aide pas à découvrir le vrai, mais il rend impossible la connaissance elle-même, devenant une sorte de « diable sceptique », dont on ne réussira jamais vraiment à se débarrasser.

Le doute devient ainsi le maître incontesté de l’époque moderne, jusqu’à devenir un cauchemar dont il est difficile de réussir à se libérer : plus on cherche une réponse totale, plus le doute semble en sortir vainqueur. Comme l’a noté avec perspicacité Enrico Castelli : « L’histoire de la philosophie moderne est en grande partie l’histoire d’une obsession : l’objectivité. » Les choses ne se sont pas passées comme on l’espérait : de l’objectivité ne semble être demeurée que son obsession.
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