François a condensé, en un simple message d’occasion, une réflexion forte et étendue sur la mission de l’Église dans le monde. La pandémie ayant rendu impossible sa présence lors de l’Assemblée générale annuelle des Œuvres Pontificales Missionnaires (PMS)[1], il en a donc profité de l’occasion pour utiliser des mots qui ne peuvent pas être réduits à une rhétorique douce et commode. François propose, au contraire, une analyse très dure, dont le regard dépasse probablement ses destinataires directs, unie à un appel émouvant à l’Église pour qu’elle se laisse façonner par la rencontre avec le Christ et par la puissance vivifiante et contagieuse – donc missionnaire – de l’Esprit.
« Lorsque, dans la mission de l’Église, on ne saisit pas et on ne reconnaît pas l’œuvre actuelle et efficace du Saint-Esprit, cela signifie que même les paroles de la mission – voire les plus exactes ou les plus réfléchies – ne sont plus que des “discours de sagesse humaine”, utilisés pour se donner la gloire ou pour refouler et masquer ses déserts intérieurs ».
Entre esprit et institution
Le Message présente une Église qui choisit et préfère, sans rester immergée dans le sable mouvant des tensions endogènes et des équilibres stériles. François entend donc mettre l’Église dans un état de conversion, non pas en évoquant des « plans de mobilisation pastorale » ni des stratégies, mais en lui demandant à entrer dans « le corps à corps avec la vie concrète ». D’une manière simple, directe et franche, il dit ceci : soit on s’expose au souffle de l’Esprit, soit on meurt d’asphyxie. Le pire de ces asphyxies possibles est celle provoquée par l’étranglement des procédures. Le seul air respirable pour l’Église est celui de l’Esprit.
Nous comprenons d’emblée que nous retrouvons dans ce Message une dialectique entre « esprit » et « institution » qui exclut la logique des « systèmes ecclésiastiques », qui « semblent être en proie à l’obsession de se promouvoir elles-mêmes et leurs propres initiatives ». François ne veut pas d’une Église « renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures » (Evangelii gaudium [EG], nº 49). Le souffle spirituel de l’institution et la forme institutionnelle qu’assume le charisme sont toujours à considérer ensemble. Le Pape l’a répété plusieurs fois depuis Evangelii gaudium. Dans l’interview accordée à Austin Ivereigh, en pleine pandémie, et publiée sur le site Internet de La Civiltà Cattolica, il déclare que « l’Église est une institution », mais façonnée par le Saint-Esprit qui « cause du désordre avec les charismes, mais dans ce trouble, il crée l’harmonie », tout en évitant « l’introversion ecclésiale »[2]. Le processus d’institutionnalisation et de désinstitutionnalisation est fluide : reste ce qui est nécessaire, et non pas ce qui n’est plus nécessaire. L’avenir de l’Église n’est ni statique ni rigide.
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[1] Il y a quatre Œuvres pontificales missionnaires : l’Œuvre Pontificale pour la Propagation de la Foi, l’Œuvre Pontificale de Saint-Pierre-Apôtre, l’Œuvre Pontificale de l’Enfance Missionnaire, et l’Union Pontificale Missionnaire. Le Pape avait décidé de participer à leur Assemblée générale annuelle, jeudi 21 mai, fête de l’Ascension du Seigneur. L’Assemblée a ensuite été annulée en raison de la pandémie. Il a donc décidé d’envoyer un message. Les citations sans autres références se réfèrent à ce texte.
[2] Cf. A. Ivereigh, « Il Papa confinato. Intervista a papa Francesco » : www.laciviltacattolica.it/news/il-papa-confinato-intervista-a-papa-francesco/, 8 avril 2020.
[3] Saint Augustin, Homélies sur l’Évangile de Jean, 26,4.
[4] Cf. A. Spadaro, « Intervista a Papa Francesco », Civ. Catt. 2013 III 449-477.
[7] Comme critère de discernement, le Pape se réfère, en particulier au fait que « Les initiateurs des Œuvres Missionnaires, à commencer par Pauline Jaricot, n’ont pas inventé les prières et les œuvres à qui confier leurs désirs concernant la proclamation de l’Évangile, mais ils les ont simplement tirées du trésor inépuisable des gestes les plus familiers et habituels du Peuple de Dieu en marche dans l’histoire ».
[8] Cf. François, « Lettre à l’occasion du centenaire de la promulgation de la lettre apostolique “Maximum illud” sur l’activité accomplie par les missionnaires dans le monde » (22 octobre 2017). Cf. aussi B. Lobo, « A cento anni dalla “Maximum illud”. Il percorso missiologico del Magistero cattolico », Civ. Catt. 2019 IV 541-555.
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