L’argent, symbole de bonheur
L’un des symboles les plus enracinés dans l’imagination de l’homme moderne est l’association entre le bonheur et la richesse, avec ses nombreux dérivés (consommation, pouvoir, accumulation). Même lorsque le rêve n’est pas réalisé, la conviction demeure que c’est toujours le moindre mal. Comme le note Woody Allen, « l’argent ne fait pas le bonheur et encore moins la misère[1] ».
Pourtant, l’histoire de chaque époque montre que la poursuite effrénée du profit est la cause des pires maux pour l’humanité. Daniel Bell, dans son analyse minutieuse de la culture capitaliste, montre l’antithèse radicale entre la tendance au profit personnel, le résultat de la mentalité industrielle et les décisions orientées vers le bien commun qui sont indispensables à la société. Cette contradiction irréconciliable est à l’origine de crises économiques de plus en plus graves, parmi lesquelles celle de 2008 est la plus frappante : un très petit nombre de gens riches sont devenus encore plus riches aux dépens d’une multitude de plus en plus pauvre. Cependant, le plus grave, c’est que ces quelques personnes richissimes ne se rendent pas compte qu’ils ont ouvert un gouffre dans lequel ils risquent eux-mêmes de tomber.
Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie en 2001, après avoir montré que la richesse aux États-Unis est entre les mains de 1% de la population, commente : « Ceux qui appartiennent au premier 1% ont les plus belles maisons, une meilleure éducation, les meilleurs médecins et le style de vie le plus agréable ; mais il y a une chose que l’argent ne semble pas avoir acheté : la conscience que leur destin est lié à celui des 99% des autres vies. Comme le montre l’histoire, c’est quelque chose que le 1% finit par comprendre ; mais il l’apprend souvent trop tard[2] ».
Sur ce point, il est particulièrement intéressant de noter que la raison pour laquelle l’association entre richesse et bonheur est si résistante face à toute contestation possible, malgré toutes les données contraires. En paraphrasant Descartes, on pourrait dire que, si l’homme moderne a appris à douter de tout, il n’a jamais douté de l’argent : c’est la première vérité, une idée claire et distincte, posée comme fondement de l’édifice des sociétés occidentales.
Quelle peut alors être la raison qui rend cette association si résistante face à toute contestation possible ?
This article is reserved for paid subscribers. Please subscribe to continue reading this article
Subscribe
Bienvenue à
La Civiltà Cattolica !
Cet article est réservé aux abonnés payants
Veuillez vous connecter ou vous abonner pour continuer à lire cet article