Moine et peintre contemporain de notre Fra Angelico, mais ayant vécu dans un contexte socioculturel complètement différent, Andreï Rublev (env. 1370 — env. 1430) élève à son niveau le plus élevé la recherche séculaire de la peinture russe qui, dans le cadre de la tradition byzantine, rigide et hiératique, offrait le son d’une voix modulée, originale, capable d’adhérer aux exigences expressives d’une nouvelle époque, qui n’était peut-être encore pas vécue entièrement, mais qui était en quelque sorte pressentie et annoncée.
Andreï Rublev travailla dans plusieurs églises et monastères de Moscou et des environs. Il laissa des chefs-d’œuvre, en particulier dans le monastère de la Trinité-Saint-Serge.
L’époque était d’une cruauté effroyable. Aux incursions des Tartares venaient s’ajouter les luttes continuelles entre les princes russes, qui souvent faisaient alliance avec les Tartares contre leurs rivaux. Faim et peste complétaient le cadre des souffrances infligées au peuple russe, qui parvenait à les supporter avec une patience digne de Job.
Lorsqu’Andreï Tarkovski, réalisateur né sur les rives de la Volga en 1932 et formé à Moscou auprès de l’Institut national de cinématographie dans les années de l’après-guerre, décida de faire un film sur le grand peintre, il n’avait pas l’intention de composer une biographie réalisée selon les modalités habituelles du cinéma à thématique historique ni encore moins de reconstruire son monde fantastique avec la technique des tableaux vivants.
Il voulait au contraire mettre en avant, vues à travers les yeux d’Andreï Rublev, les conditions dans lesquelles vivait le peuple russe à l’époque qui précéda l’unification du pays en une seule principauté.
Andreï Tarkovski était en outre persuadé que le « génie » d’Andreï Rublev, le secret de son art, résidait dans sa capacité à puiser précisément au fond des souffrances du peuple, après y avoir pris part personnellement, le germe de l’espérance en l’avènement de temps meilleurs.
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